Le monstre au bord du lac

J’ai écrit cette petite histoire d’horreur pour un concours organisé à l’occasion de l’Halloween. Je n’ai pas gagné, alors je vous la partage ici…

Voici: Le monstre au bord du lac.

« Il venait d’emménager dans un petit village. Pas n’importe quel village; un village niché sur la rive d’un lac dans lequel vivait un monstre célèbre, ce qui faisait en sorte que le village, lui aussi, était célèbre.

Les gens du village aimaient le monstre de leur lac. Leur monstre. Ils en étaient fiers. Ils le prenaient en photo, et partageaient des anecdotes le concernant avec les touristes qui espéraient l’apercevoir. Le monstre était leur mascotte, leur porte-bonheur. On racontait que quiconque voyait le dos ou la tête du monstre émerger brièvement entre deux vagues aurait de la chance dans la semaine à venir.

L’homme avait choisi d’emménager dans ce petit village, mais pas parce qu’il espérait avoir de la chance. Il ne croyait pas aux porte-bonheurs. Ce qu’il collectionnait, lui, c’étaient les trophées. Les trophées de chasse, et les trophées de pêche.

Il s’installa rapidement dans sa nouvelle demeure puis, sans perdre de temps, il alla à la rencontre des gens du village et il leur posa des questions sur le monstre. Ils lui montrèrent des photos, et lui partagèrent des anecdotes. Tout le monde semblait heureux de discuter avec cet étranger qui s’intéressait beaucoup à leur monstre.

Un jour, cependant, l’homme raconta à un de ses voisins que son intention était d’en apprendre le plus possible sur le monstre du lac, dans le but de le tuer. À partir de ce moment, plus personne n’accepta de parler avec lui. Les gens du village murmuraient sur son passage. On lui jetait des regards étranges quand il se rendait au marché ou au restaurant.

Mais l’homme ne s’inquiéta pas de ce soudain changement d’attitude de la part des gens du village. Il estimait avoir appris ce qu’il avait besoin de savoir. Il mit donc sa chaloupe à l’eau et partit à la recherche du monstre, sa nouvelle proie.

Il lui fallut une semaine complète avant de l’apercevoir, et une semaine de plus avant de se trouver suffisamment près de lui pour tenter sa chance. Il s’empara de sa carabine, et tira. Le monstre rugit et s’enfonça sous l’eau avec une large éclaboussure de sang.

Patient, l’homme attendit, les yeux rivés à la surface du lac. Selon ce qu’il avait appris, le monstre, s’il n’avait pas été tué par la balle, devrait éventuellement remonter à la surface afin de respirer. Il apparut au bout d’un moment, mais loin de la chaloupe de l’homme. Celui-ci tenta néanmoins de tirer sur la cible mouvante. Le monstre rugit, et replongea sous l’eau.

L’homme attendit encore, puis se lassa et rentra chez lui. Il revint au même endroit le jour suivant, et le jour d’après, mais ne vit aucune trace du monstre.

Environ une semaine plus tard, alors que l’homme se rendait au marché, il remarqua un attroupement inhabituel sur la plage du village. Il s’approcha. Là, autour d’une masse répugnante et gélatineuse étalée sur le sable granuleux, les gens rassemblés discutaient bruyamment.

Que les habitants du village puissent être horrifiés, furieux ou attristés de la mort de leur monstre ne lui effleura pas l’esprit. Il avait réussi à l’abattre! À sa fierté d’être parvenu à tuer le monstre s’ajouta sa certitude que son nom serait à jamais associé à celui de l’immonde créature mystérieuse, et qu’il deviendrait à son tour célèbre, renommé, immortel.

Si le monstre du lac avait eu des cornes ou des griffes impressionnantes, l’homme s’en serait volontiers emparé. Mais rien, sur ce corps pâle, mou et informe, ne pourrait lui servir de trophée. Il songea donc à simplement en prendre une photo, mais il devrait d’abord attendre que les curieux se soient éloignés. Il espérait que la plage redeviendrait calme avant que les oiseaux et les insectes ne commencent à s’intéresser de trop près au monstre. Il était déjà horrible; il n’avait pas besoin en plus d’être à demi dévoré et pourri.

L’homme rentra donc chez lui en se promettant de revenir sur la plage tôt le lendemain matin, avant que les gens du village soient levés. Seul dans sa cuisine, il célébra sa victoire sur le monstre du lac en ouvrant une bonne bouteille de vin puis, après un repas léger, il alla se coucher.

Il se réveilla en sursaut quelques heures après s’être endormi. Sa chambre était plongée dans les ténèbres, et il entendait un orage imposant marteler les murs et le toit de sa maison. Il retint son souffle; trois coups furent frappés à la porte avant. Il tenta d’allumer sa lampe de chevet, mais ne put obtenir aucune lumière. L’électricité avait été coupée, semblait-il, à cause de l’orage. Il se frotta les yeux, sortit de son lit, enfila une robe de chambre, et se rendit à la cuisine en marmonnant son mécontentement.

Qui pouvait bien frapper à sa porte au milieu de la nuit, pendant un orage comme celui-ci?

Personne. Il n’y avait personne. Il jeta un coup d’œil dans les environs, puis commença à se diriger vers sa chambre lorsqu’il entendit de nouveaux coups qui semblaient venir de sous une fenêtre.

Il se figea. Des garnements devaient essayer de lui jouer un tour. Il décida de ne pas entrer dans leur jeu, et il retourna se coucher.

Mais les coups ne cessèrent pas, au contraire. De nouveaux coups retentissaient, d’un côté de la maison, puis de l’autre. L’homme se leva, s’assit sur son lit pendant un moment, puis retourna dans la cuisine et jeta un coup d’œil à l’extérieur, par l’une des fenêtres. Au même moment, il entendit de nouveaux coups qui semblaient avoir été frappés contre un des murs de sa chambre.

Il recula vivement, trébucha en se cognant sur une chaise, puis resta debout au milieu de la pièce, étourdi et de plus en plus inquiet.

Il n’était pas du genre à avoir énormément d’imagination, mais son esprit apeuré par le bruit et par la noirceur, et peut-être un peu engourdi par le vin, se mit à imaginer quelque chose. Peut-être que le monstre n’était pas mort. Peut-être qu’il avait simplement été blessé. Peut-être qu’il était venu se venger, qu’il tournait autour de la maison, vif et sournois, son corps luisant et mou se déplaçant avec aisance sous la pluie glaciale.

Peut-être encore y avait-il un deuxième monstre, venu venger la mort de son frère, de sa mère, ou de son amant. Un deuxième monstre en colère, toute une famille de monstres, pourquoi pas? Et ils tentaient de l’attirer hors de sa maison…

Il songea à s’emparer de sa carabine, mais ne la trouva pas à sa place habituelle même si ses yeux s’étaient habitués à la noirceur. Elle n’était plus dans la petite armoire située près de la porte. L’avait-il oubliée dans sa chaloupe? Ça semblait improbable, mais il ne voyait pas d’autre explication.

Il resta debout dans sa cuisine, à tourner la tête dans la direction d’où lui semblaient provenir les coups frappés contre les murs de sa maison, et à imaginer différents scénarios. Il ne songea pas à crier aux monstres de partir ni à téléphoner à la police. Il voulait simplement retourner se coucher, mais il savait que dormir serait impossible.

Alors que les coups s’intensifiaient, il poussa un grognement de rage, ouvrit un tiroir, et en sortit un long couteau dont il se servait surtout pour couper de la viande. Il se précipita vers la porte d’un pas ferme, mais alors qu’il posa sa main libre sur la poignée, le silence tomba. Même l’orage semblait s’être tu.

Il cligna des yeux, essuya de la manche de sa robe de chambre son front humide de sueur. Qu’était-il en train de faire? Avait-il vraiment eu l’intention de se battre contre un ou plusieurs monstres en brandissant un couteau de chef? Et puis, y avait-il réellement des monstres?

Il tendit l’oreille, mais n’entendit plus un bruit. Il expira longuement, puis tourna la poignée et entrouvrit la porte. Il ne vit rien de particulier. La pluie tombait doucement, sans bruit, et la lune et les étoiles étaient voilées.

Il sortit de sa maison, mais c’était une erreur. S’il était resté à l’intérieur, peut-être que les choses se seraient terminées autrement. Peut-être que le temps aurait tout arrangé, comme il le faisait souvent, mais pas toujours. Peut-être qu’il aurait pu continuer à vivre dans le petit village, et finir par y trouver la paix.

Après tout, il venait tout juste d’y emménager, de commencer une nouvelle vie, de prendre un nouveau départ. Mais le lendemain de cette nuit étrange, son corps fut retrouvé sur une plage située de l’autre côté du lac. Il était mort, mais il ne s’était probablement pas noyé.

Quelqu’un lui avait tiré une balle dans la tête. »

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Extrait du livre Vincent

Voici enfin le mois d’Octobre, le mois du début de l’automne, le mois de l’Halloween! Pour moi, cette année, c’est aussi le mois des voyages vraiment cool, mais qui coûtent cher.

Mais c’est, en plus de tout ça, le mois du lancement du 5e petit livre de ma Mini Collection, «Vincent»!

Avez-vous envie d’une petite baignade?

Quand je pense à l’histoire de ce petit livre, il me vient d’abord l’idée que c’est une histoire d’amour… Mais, en y réfléchissant bien, ce n’est pas ça du tout. C’est plutôt une histoire qui raconte le début d’une folie… Pas le genre de folie qui détruit ou qui rend dangereux, mais le genre de folie qui, d’une certaine manière, donne un sens à la vie. Une folie qui se transforme en passion.

Voici un petit extrait de ce nouveau livre:

« Vincent se sentait un peu inquiet et paniqué, mais il n’avait pas peur. Pas vraiment. Il ne s’était jamais senti en danger de toute sa vie ; d’une certaine manière, le danger était pour lui un concept difficile à comprendre. Le fait qu’il aurait pu tomber à la mer et s’y noyer, ou encore, être frappé par la foudre et mourir sur-le-champ ne lui traversa pas vraiment l’esprit. C’était le genre de choses qui arrivaient dans les histoires, ou dans les rêves, mais pas dans la vraie vie. Dans la vraie vie, il était trempé des pieds à la tête, et il s’inquiétait de l’étanchéité de son sac et de l’état dans lequel pouvait se trouver son appareil photo. Il ressentait aussi l’urgence de rentrer chez lui au plus vite, mais il n’était pas terrifié.

D’une certaine manière, il était même presque heureux de ce qui était en train de lui arriver. Il n’y a pas si longtemps, il était satisfait de vivre une vie simple et banale, mais voilà qu’il se retrouvait sur une mer furieuse, au milieu d’un orage. L’air était à la fois froid et chaud, et surtout, chargé d’électricité. Les muscles de ses bras et de ses épaules brûlaient tandis qu’il maniait les rames de son canot.

Malgré sa maladresse et sa fatigue, et malgré la mer et le vent qui s’opposaient à ses efforts, son embarcation avançait à un bon rythme, et dans la bonne direction. Il en était formidablement fier, et il espérait qu’il aurait l’occasion de raconter son aventure à quelqu’un ; n’importe qui. »

(Si vous suivez mon blogue depuis quelque temps et que vous vous posez la question: oui, c’est le même Vincent de ma petite histoire appelée «Vincent et les sirènes».)

Si vous voulez en lire plus, vous pouvez commander votre copie du livre sur mon site, ou sur Lulu.com.

Vous pouvez aussi venir me voir à la Librairie Serpent d’ébène de Victoriaville le 5 Octobre prochain, et au Salon Littéraire du Québec, toujours à Victoriaville, le 12 Octobre. Plus de détails sur la page Évènements de mon blogue!

Extrait du livre Beanedich

Le mois d’Août est arrivé, ce qui veut dire que c’est le temps pour moi de lancer le quatrième petit livre de ma Mini Collection! Youppi!

Je vous présente donc un nouveau petit livre intitulé «Beanedich» que vous pouvez trouver et commander dès maintenant sur mon site, ou sur Lulu.com.

Oh! Voici la neige dont je vous ai déjà parlé dans mon blogue!

Le personnage de Beanedich, dont le nom aura été simplifié pour devenir Benedict dans le livre que je suis en train d’écrire, est un personnage que j’apprécie particulièrement. Un jour, dans un futur projet qui suivra mon roman en cours, il devrait devenir un personnage principal, et il sera l’ami d’Anders, vedette du premier petit livre de ma Mini Collection.

Ceci étant dit, le résumé du livre sur mon site, même s’il représente bien l’essence de l’histoire du roman, ne donne peut-être pas vraiment une bonne idée de ce qui s’y passe en vérité…

Voici donc un petit extrait du livre qui pourrait vous donner envie de le lire!

«Grâce à la neige qui recouvrait le sol, les toits, et même une partie des façades des bâtiments, la noirceur n’était jamais totale en Lvistuanie. Beanedich et Leevia s’engagèrent sur la route enneigée qui devait les ramener dans leur village. Cette fois-ci, elle ne chercha pas à tenir sa main. Il lui répéta quelques fois, dans des murmures fragiles, qu’il était désolé. Elle ne dit rien, et semblait perdue dans ses pensées.

Ils marchèrent ainsi en silence pendant un moment avant de s’arrêter. Ils échangèrent alors un regard, ce qui leur confirma qu’ils avaient tous les deux l’impression d’être épiés. Leevia fut la première à se retourner, croyant qu’il s’agissait peut-être simplement de Neegan qui les suivait de loin. Comme elle ne disait toujours rien, Beanedich se retourna à son tour.

Un loup énorme s’avançait vers eux, les oreilles dressées, la queue basse. Ses yeux dorés brillaient faiblement dans la pénombre, et il marchait sans faire aucun bruit, presque comme s’il flottait sur la neige.

Paniqué, Beanedich saisit le bras de Leevia, qui était figée par la peur, et l’incita à se retourner pour fuir, mais au même moment, deux autres loups émergèrent de la dense forêt de conifères qui bordait le chemin. Les trois bêtes les encerclèrent en montrant leurs crocs, et Beanedich comprit aussitôt qu’il leur était inutile d’essayer de s’enfuir : ils ne pouvaient tout simplement pas courir plus vite que des loups en chasse. Il n’avait rien pour se défendre, rien d’autre que son violon et son archet, mais jamais il n’aurait osé essayer de se servir de son instrument comme d’une arme, pas même pour tenter de sauver sa vie.»

Extrait du mini livre Alexander

Aujourd’hui, mon nouveau livre est disponible! Youppi!

«Alexander» est le premier livre de ma Mini Collection, et il met en vedette Alexander Anderson, un jeune garçon muet qui va décider de quitter son père et ses frères pour chercher du travail sur un navire. Alexander va être un personnage important dans le nouveau roman que j’ai commencé à écrire l’autre jour!

Pour vous donner envie de mieux connaître ce personnage, voici un petit extrait du livre Alexander:

« Les navires étaient si proches, et pourtant, si inaccessibles… Combien d’entre eux partiraient dès le lendemain, avec la marée? Combien de nouveaux navires arriveraient au port dans les jours suivants? Alexander ne voulait pas attendre. Il ne voulait pas attendre l’arrivée du Capitaine Erm, même si l’homme édenté de la porte rouge lui avait assuré qu’il le prendrait dans son équipage. Il ne désirait pas connaître le Capitaine Erm, mais par-dessus tout, il refusait de rentrer chez lui. Il avait pris la décision de partir, et il voulait partir.

Il allait partir. Dès demain, avec la marée.

Il décida que puisqu’il n’avait pas réussi à trouver un capitaine qui voulait l’engager, il allait plutôt monter à bord d’un navire, sans se faire voir, et s’y cacher. Une fois le navire en haute mer, les membres de l’équipage n’auraient pas d’autre choix que de l’accepter parmi eux. Ils ne le jetteraient tout de même pas par-dessus bord! Sauf peut-être s’il s’agissait d’un équipage de pirates…

Le jeune garçon secoua la tête pour en chasser cette pensée désagréable. Il savait très bien que son idée de monter à bord d’un navire sans y être invité n’était pas excellente, mais puisque c’était sa seule idée, il déclara qu’il s’agissait d’un bon plan, et qu’il allait s’y tenir.

Il s’avança lentement jusqu’à l’extrémité du quai. Il n’entendait rien d’autre que le clapotis des vagues, et quelques grincements provenant des navires endormis et de leurs cordages. Le jeune garçon s’approcha furtivement d’une des passerelles qui n’avaient pas disparu. S’il pouvait y monter et l’escalader, il se retrouverait directement sur le pont d’un majestueux voilier.

Mais l’homme qui montait la garde sur le pont surgit tout à coup en haut de la passerelle, et éleva sa lanterne pour faire tomber sa lumière sur le jeune intrus. Il le dévisagea d’un air peu commode, et Alexander recula et revint vers la place pavée. Il se dit que la même chose se reproduirait sans doute chaque fois qu’il oserait s’approcher d’une passerelle. Les navires dormaient, mais les sentinelles étaient bien éveillées.

Il longea la place pavée, puis fit un lent aller-retour sur un autre quai en observant attentivement chacun des géants de bois qui y étaient amarrés. Il était déterminé à trouver une manière de monter à bord de l’un d’eux, sans se faire prendre.

Il parcourut un troisième quai, mais n’eut toujours pas de chance. Il décida ensuite de se rendre au dernier quai, celui qui était situé le plus près de la plage. Un seul navire y dormait paisiblement, tandis qu’un homme armé d’une lanterne veillait sur son sommeil.

Alexander remarqua alors un détail qui remplit son cœur d’espoir. Sur le flanc de ce navire s’élevaient plusieurs petites planches de bois : une échelle, qui permettrait à quelqu’un se trouvant au niveau de la mer de l’escalader pour rejoindre le pont. Le jeune garçon déduisit que si une échelle avait été construite de ce côté-ci du navire, il y en avait probablement une de l’autre côté également. Il se hâta d’aller inspecter l’autre côté du navire, en marchant sur le rebord de la place pavée.

Oui! Il y avait bien une autre échelle! S’il pouvait se glisser dans l’eau, il pourrait agripper les barreaux de l’échelle, et y grimper. Il lui suffisait de se glisser dans l’eau…»

Quel beau livre brun!

Si le livre vous intéresse, vous pouvez l’acheter à partir de mon site internet, l’acheter sur Lulu.com, ou encore venir me rencontrer à la Librairie Serpent d’ébène de Victoriaville le 9 Février, ou à la Pause Littéraire de la Mauricie à Trois-Rivières, le 16 Février.

Pourquoi une librairie de livres usagés?

Le premier livre de ma Mini Collection, «Alexander», va être disponible dès le 1er Février!

Il n’y a pas de lancement officiel de prévu, mais je vais célébrer ce petit livre pendant tout le mois! Dès le 1er Février, vous pourrez commander votre copie à partir de mon site internet, ou sur le site lulu.com.

Vous pourrez aussi l’acheter directement de moi, si vous avez la chance de me rencontrer! Justement, le 9 Février, je fais une petite séance de signature à la Librairie Serpent d’ébène, au centre-ville de Victoriaville, de 10h30 à 3h30.

Ça va être ma première séance de signature dans une librairie, donc je ne sais pas trop à quoi m’attendre… J’espère qu’au moins une ou deux personnes viendront me voir.

Les plus observateurs auront remarqué que la Librairie Serpent d’ébène est une librairie qui vend des livres usagés… Je ne sais pas si ça arrive souvent que des auteurs non usagés font des séances de signature dans des librairies de livres usagés, mais j’imagine que des gens pourraient trouver le concept un peu bizarre!

Ça fait plusieurs années que je passe à cette librairie de temps en temps (elle a changé de propriétaire et de nom récemment) et c’est un endroit que je trouve sympathique. Même si j’aime acheter mes livres directement des auteurs, ça m’arrive aussi d’acheter des livres usagés, et même, quand j’ai des exemplaires de mes propres livres qui ont été endommagés, ça m’arrive de les apporter à la Librairie Serpent d’ébène.

J’ai parlé avec le propriétaire cet été, et il m’a dit qu’il pensait à inviter des auteurs qu’il connaissait à venir faire des séances de signature dans sa librairie, pour faire un peu d’animation. Je lui ai donc parlé de ma Mini Collection à venir!

Mini Collection Alexander

J’ai décidé de faire les choses en grand en créant un petit dossier de presse!

Ça se pourrait que je fasse une séance de signature pour tous mes autres mini livres à venir cette année…

Mais une chose à la fois! Vous pouvez visiter la page de cet évènement extraordinaire sur Facebook.

Vacuité

Ma cousine Marie-Noëlle Audet est la troisième personne à avoir relevé le défi qui se trouve à la fin de mon Mini Livre Gratuit… Et moi, j’ai relevé le défi de lui écrire une histoire bizarre avec la phrase qu’elle m’a envoyée!

La voici:

Vacuité

Ça fait trois jours qu’il neige sans arrêt dans notre local et on commence à être tannées d’être gelées et de devoir pelleter chaque soir pour trouver la batterie de Steph. Je n’exagère pas : sa batterie est vraiment enterrée par la neige, chaque soir, et il faut pelleter pour la sortir de là pour qu’elle puisse jouer. Heureusement, Daf et moi on peut ranger nos instruments en haut de l’étagère, mais pour la batterie, ce n’est pas vraiment possible.

Le premier soir où c’est arrivé, on ne l’a vraiment pas trouvé drôle. Daphné était déjà là quand Stephanie et moi on est arrivées. En voyant la neige qui avait recouvert le sol et la batterie, et qui continuait de tomber, on était découragées et on a annulé notre pratique.

Le lendemain après-midi, pendant que je travaillais, j’ai reçu un message de Daf, qui m’a texté : «Vicky, attache ta tuque avec d’la broche, j’apporte une grosse pelle!» J’ai compris que ça voulait dire qu’il n’était pas question d’annuler notre pratique encore une fois. On a un spectacle prévu la semaine prochaine, et il faut être prêtes. Ce soir-là, on est arrivées au local avec nos manteaux, nos bottes, nos tuques, nos foulards et nos gants. On a apporté des pelles, et on a déneigé la batterie de Steph, et dégagé assez d’espace pour pouvoir s’installer et jouer.

L’industrie de la musique change, c’est ce que tout le monde dit. Il faut s’y faire. Louer un bon local de pratique de nos jours, ce n’est vraiment pas facile. On a des amis qui trouvent leurs instruments couverts de spaghetti à la sauce tomate chaque fois qu’ils entrent dans leur local, et Daf dit que son cousin a un groupe lui aussi, et que dans leur local, il pleut un jour sur deux. On considère donc que pour le prix qu’on paye pour louer le nôtre, la neige, ce n’est pas si grave, même si on ne comprend pas d’où elle vient puisqu’on est en juillet. Au moins, ça ne nous empêche pas de jouer… Il faut juste s’habiller chaudement, et pelleter. Oui, on commence à être tannées, mais on s’encourage en se disant que la situation pourrait être bien pire.

 

La pratique de ce soir se déroule plutôt bien. Steph est un peu enrhumée, ma basse est glaciale, la guitare de Daf est couverte de givre, et le micro se perd dans un petit nuage de condensation quand elle chante, mais sinon, tout va bien.

En fait, on a l’esprit ailleurs, ça se voit. Je ne sais pas à quoi les filles sont en train de penser, mais moi, je trouve que les chansons qu’on a composées dernièrement manquent de quelque chose. Elles manquent de vie, de couleurs, de rythmes… Je ne sais pas trop, mais il manque quelque chose.

On finit de jouer une chanson qu’on a reprise trois fois ce soir, et Daf essuie son micro avec un bout de son foulard. Elle garde ensuite la tête baissée, comme si elle réfléchissait. Steph et moi, on échange un regard. On sait que ça veut dire qu’il faut attendre. Il ne faut pas interrompre Daphné quand elle réfléchit, oh non! Dans l’état où se trouve notre local, ça pourrait provoquer une avalanche.

Au bout d’une minute ou deux, elle se débarrasse du petit monticule de neige qui était en train de se former au sommet de sa tête, et elle nous regarde.

– Steph, Vic, ça va être tout pour ce soir… Ça marche pas, on dirait. On se revoit demain?

Je hoche la tête.

– Demain c’est samedi, je travaille pas et j’ai rien à faire… Je peux arriver plus tôt, si c’est correct pour vous aussi!

– Ça va pour moi, dit Stephanie. Je peux être…

Elle s’interrompt en écarquillant les yeux.

– Les filles… Regardez dehors!

Daf et moi on se retourne, en se demandant bien ce qui se passe de si terrible. On remarque que toutes les lumières de la rue sont éteintes. On ne voit plus les lampadaires, ni l’enseigne lumineuse du dépanneur. En fait, on ne voit plus rien du tout. Je m’approche, je viens me coller le bout du nez dans la vitre de la fenêtre. Le décor a changé… Tout a l’air enneigé, maintenant, comme l’intérieur de notre local. Tout est enneigé, partout. Pourtant, il se trouve au troisième étage d’un immeuble, notre local! Mais il y a de la neige, oui, jusqu’au bas de la fenêtre.

Je me retourne. Les filles sont pâles, presque aussi blanches que la neige. Je me dis que je dois avoir exactement le même air qu’elles.

– Bon… On y va? dit Daphné d’une voix qui tremble un peu.

Stephanie et moi on approuve, on quitte le local au plus vite, sans rien dire de plus. On descend l’escalier de l’immeuble, qui empeste la cigarette et l’humidité, et on sort dehors.

Dehors, tout est normal. Les lampadaires, l’enseigne du dépanneur, les autos, les passants, tout est là. Surtout, il n’y a pas de neige. Stephanie se met à ricaner.

– Eh ben… Les filles, je pense qu’on a halluciné grave! Ça doit être la neige dans notre local qui se reflétait dans la fenêtre.

– Oui, que j’ajoute, une sorte d’illusion d’optique… Quelque chose comme ça.

Daf plisse les yeux en regardant vers la fenêtre du local. Elle ramène ensuite son regard vers nous, puis enlève son foulard et sa tuque d’un geste lent. C’est vrai qu’on a l’air un peu folles, habillées comme ça, en plein mois de juillet.

– C’est peut-être le stress, propose Daf. Notre show qui s’en vient, moi, ça me stresse… J’ai l’impression…

Elle a l’air de chercher ses mots. On la laisse chercher, en enlevant nos manteaux.

– J’ai l’impression que ça marche pas, nos chansons, qu’elle reprend. Il manque… Je sais pas, il manque quelque chose. Vous trouvez pas? Steph? Vic?

Elle nous regarde en attendant nos commentaires. Stephanie pince les lèvres et baisse les yeux.

– Oui, que je dis, moi aussi je trouve ça. Il manque quelque chose…

Daphné hoche la tête, satisfaite de voir qu’on partage son point de vue.

– Bon… On en reparlera demain? Il faut vraiment qu’on soit prêtes pour le show, c’est tellement important!

On approuve, et on se quitte, en se donnant rendez-vous le lendemain, vers 1 heure.

 

Le lendemain, quand j’arrive, les filles sont déjà là. Elles m’attendaient dehors devant l’immeuble. On se salue, on entre dans l’immeuble, on monte lentement l’escalier. Avant d’entrer dans notre local, on remet nos manteaux, nos tuques, tout.

Daphné nous regarde d’un air sérieux avant d’ouvrir la porte. C’est évident qu’on a toutes un peu peur de revoir le même paysage qu’hier soir par la fenêtre… On entre, et la première chose qu’on remarque, c’est qu’il ne neige plus. Par contre, la batterie de Stephanie est encore enterrée de neige, et il fait toujours aussi froid.

– Merde, les filles… Regardez! dit Daf.

On s’approche toutes les trois de la fenêtre. Comme on a nos manteaux de toute façon, je décide de l’ouvrir. La rue et les passants ont encore disparu, il ne reste absolument plus rien de la ville. Je sors la tête à l’extérieur, et l’air froid et sec me pique les narines. Sans consulter les filles, j’enjambe le rebord de la fenêtre et ma botte se pose sur de la neige compacte. Il n’y a que ça, partout. Une vaste plaine blanche s’étend devant nous, sous un ciel bleu éclatant, sans nuages.

J’avance de quelques pas, en regardant partout. Je me retourne. Les filles m’ont suivie, l’air ébahies. La fenêtre et la façade de l’immeuble se trouvent encore juste derrière elles, émergeant bizarrement du sol blanc et glacé.

– C’est pas une illusion, hein? dit Steph d’une toute petite voix. Et c’est pas le stress non plus! C’est…

– C’est… Je sais pas, poursuit Daf. Mais c’est beau! C’est juste… C’est juste parfait!

Elle prend une grande inspiration. Je l’imite, me remplissant les poumons d’un air pur, tellement pur qu’il me donne l’impression de n’avoir jamais été respiré par personne avant aujourd’hui.

Je ne comprends pas ce qui se passe, et je pense que je n’ai pas besoin de comprendre. Je suis émerveillée par l’immensité blanche et glacée qui nous entoure, fascinée par la beauté du ciel, envoûtée par la pureté de l’air. Je ne veux pas me poser trop de questions, pour ne pas gâcher ce moment vraiment magique.

– Les filles! On va chercher nos instruments! propose Daf d’une voix enjouée.

On retourne dans notre local, et on commence par dégager la batterie de Steph, encore une fois. Daf prend sa guitare et son micro, je prends ma basse, on apporte nos amplis à l’extérieur, et Steph sort sa batterie. On réussit à s’installer, en restant près de la fenêtre.

Et on joue, on joue toute la journée, sans prendre de pause, sans se questionner, sans se remettre en question. On joue toute la journée, jusqu’au soir. On s’arrête parce qu’on a faim et que, même si la lumière de notre local est ouverte, à l’extérieur, sous le ciel d’un noir profond, on ne voit plus grand-chose.

On se donne rendez-vous le lendemain, à la même heure.

 

Pour le prix qu’on paye chaque mois, on a accès à un endroit vraiment extraordinaire pour pratiquer nos chansons ensemble. On est retournées jouer dehors chaque jour depuis notre grande découverte. On a même écrit quelques nouvelles chansons, et on a enfin trouvé ce qui manquait à celles qu’on avait déjà.

Ce qui nous manquait, c’était de l’espace. Nos chansons allaient trop vite, et elles étaient surchargées. À vouloir trop en faire, tout en même temps, on n’en avait jamais assez. Maintenant qu’on a décidé d’en faire moins, tout sonne mieux, et ce qu’on a nous semble parfait. On espère que les autres seront d’accord avec nous. Jouer dehors nous a inspirées. On souhaite maintenant que notre musique évoque la beauté, la pureté, la tranquillité des grands espaces, et la puissance fragile de la nature.

Ce soir, c’est notre spectacle, celui qu’on attend depuis longtemps. On est prêtes. Il est temps d’enlever nos manteaux, nos bottes, nos tuques, nos foulards et nos gants, de monter sur scène, et de montrer ce qu’on est capables de faire.

Juste un pas

Un autre défi de relevé! Mon amie Marie-Ève Simard a relevé le défi qui se trouve à la fin de mon Mini Livre Gratuit, et elle m’a demandé de lui écrire une histoire dramatique à partir de la phrase «Ça commence souvent comme ça.»

Voici l’histoire que j’ai écrite pour elle:

Juste un pas

Ça commence souvent comme ça. Quelque chose démange dans mon cou, sur ma nuque. Pas vraiment une démangeaison; c’est plus comme une sorte de chatouillement, comme si un insecte aux pattes fines se promenait sur ma peau. Pas une fourmi, non, quelque chose de plus lent, comme une araignée, ou peut-être un papillon… peu importe.

Peu importe, car je sais bien qu’il n’y a pas d’insecte. Je suis habitué, maintenant. Ce n’est qu’une sensation bizarre qui annonce que quelque chose va se passer. Quelque chose de terrible. Je pourrais tout simplement appeler ça un sixième sens. Je crois que ça serait plus facile à expliquer, non?

Ça m’arrive avant les orages électriques et les grosses tempêtes de neige. Ça m’est arrivé quelques minutes avant de me retrouver impliqué dans un accident de la route. Ça m’est arrivé le matin où ma voisine est morte. Ça m’est arrivé plusieurs fois.
Ça n’arrive pas fréquemment, non, mais ça commence souvent comme ça, par un chatouillement désagréable dans mon cou. Quand ce n’est pas le chatouillement, c’est juste une impression, une impression très claire que quelque chose va se passer, mais le plus souvent, c’est le chatouillement.

Ce matin-là, je n’allais nulle part en particulier. C’était ma première journée de congé depuis une éternité, et je n’avais pas envie de la passer enfermé chez moi, même s’il ne faisait vraiment pas beau. Une journée grise, fade et humide; une humidité fraîche qui ne semblait pas annoncer de pluie.

Tout était tranquille, jusqu’au moment où le chatouillement a commencé. Mes mains se sont crispées sur le volant de ma voiture, et je me suis retenu pour ne pas écraser la pédale de frein sous mon pied. La route était dégagée, il n’y avait qu’une seule voiture devant moi, à une bonne distance.

Je surveillais la route, alerte. Je m’attendais à voir surgir quelque chose devant moi: une moto, un chevreuil, un enfant en train de courir derrière un ballon. Quelque chose. Quelque chose allait se passer, parce que mon sixième sens m’avertissait que quelque chose se passerait.

J’ai roulé lentement, puis j’ai fini par atteindre le pont, sans pouvoir me débarrasser ni du chatouillement, ni de mon inquiétude. Le pont surplombe une rivière assez large, qui coule d’un bon débit quand l’eau est haute au printemps, mais qui glisse lentement entre plusieurs rochers pointus pendant presque tout l’été. De chaque côté de la rivière, la rive est mangée par des buissons épais, puis par une petite forêt de bouleaux et d’érables. C’est un endroit paisible, où j’ai toujours eu l’impression de pouvoir me rapprocher de la nature.

Mes mains se sont crispées encore plus quand j’ai remarqué qu’il y avait quelqu’un sur le pont. Pas quelqu’un dans une voiture; quelqu’un qui se tenait debout de l’autre côté de la petite barrière qui était là pour donner aux automobilistes et aux piétons un certain sentiment de sécurité. Un homme, debout. À voir la manière dont sa tête était penchée vers l’avant, dont ses épaules étaient effroyablement voûtées, je savais qu’il n’était pas là pour admirer la rivière ou encore pour pêcher la truite.
Non. Il était là parce qu’il voulait sauter. Parce qu’il voulait mourir, ou parce qu’il croyait qu’il le voulait.

J’ai retenu mon souffle, puis l’air est sorti de ma bouche dans une sorte de soupir sec et saccadé, tandis que mes mains se desserraient un peu. J’ai ralenti, puis j’ai arrêté ma voiture. Je ne savais pas quoi faire, mais je savais que je ne pouvais pas tout simplement poursuivre mon chemin, et ignorer le fait qu’un homme était sur le point de se suicider en sautant en bas du pont.

Je suis sorti de ma voiture. J’ai regardé la route qui menait au pont et qui le quittait, dans l’espoir de voir apparaître du renfort; une voiture de police, une ambulance, les pompiers, un autre automobiliste, un cycliste, un piéton, un chevreuil. N’importe qui. Mais il n’y avait personne. C’était à moi d’agir.

J’ai pris une grande inspiration, puis j’ai marché vers l’homme. Une dizaine de pas me séparait encore de lui, et je marchais lentement, en traînant mes pieds contre la mince couche de gravier qui recouvrait la route. Je voulais qu’il m’entende arriver. Je ne voulais surtout pas qu’il sursaute en me voyant apparaître sur sa droite, et que ça suffise à lui faire perdre pied et à le faire tomber dans la rivière, parmi les rochers pointus.

Je me suis arrêté à quelques pas de lui, sans oser enjamber la barrière pour aller le rejoindre de l’autre côté.
– Monsieur?
J’ai parlé d’une voix hésitante, un peu gênée, comme si j’avais peur de le déranger.
– Monsieur?

Il ne bougeait pas. Pendant un moment, je me suis demandé, un peu stupidement, s’il n’était pas déjà mort. Il portait un complet gris de belle apparence, qui ne cadrait pas du tout avec la structure métallique usée du pont, avec le gravier, avec la rivière, avec les arbres. Avec une logique un peu froide, je me suis dit qu’il avait l’air d’un homme qui devrait plutôt songer à se jeter du haut d’un immeuble tout en béton et en verre, au cœur d’une grande ville, que du haut d’un pont traversé par une route peu fréquentée.

Je me suis approché encore d’un pas, en appuyant mes mains sur le haut de la barrière.
– Monsieur! Monsieur, écoutez-moi!
Cette fois, ma voix était plus forte, mais suppliante. Il a enfin tourné la tête pour me regarder. Son visage avait un air fatigué, épuisé. Ses yeux étaient aussi gris que le ciel, presque aussi gris que son complet. Maintenant que j’avais toute son attention, je devais trouver quelque chose à lui dire. Je devais essayer de le convaincre de ne pas sauter, de revenir de mon côté de la barrière.

– Monsieur, ne faites pas ça! Ne sautez pas, s’il vous plaît…
Il m’a souri, un sourire fatigué, épuisé. Un sourire gris.
– Ne vous inquiétez pas, me dit-il.
– Quoi? Monsieur, ne sautez pas! Ne faites pas ça… Je ne sais pas ce qui vous a amené ici, mais il y a une autre solution, sûrement!
Il a hoché la tête, lentement.
– Non, je ne pense pas… Laissez-moi tranquille.
J’ai hoché la tête moi aussi. Un peu paniqué, j’ai marché rapidement jusqu’à ma voiture, pour y prendre mon téléphone. Je suis revenu vers lui en lui montrant l’objet.

– Monsieur, je vais appeler la police! Je ne peux pas vous laisser faire!
Il a haussé les sourcils, puis il a poussé un ricanement sec, un petit rire sans aucune joie.
– Rangez votre téléphone, sinon je saute tout de suite! Laissez-moi… vous ne comprenez pas.
– Qu’est-ce que je ne comprends pas? Expliquez-moi!
J’ai remis mon téléphone dans ma poche, et j’ai fait un pas de plus vers lui.
– Expliquez-moi, Monsieur… Expliquez-moi pourquoi vous voulez faire ça.
Il a tourné la tête pour laisser ses yeux dériver sur l’eau de la rivière.
– Vous ne pouvez pas comprendre… Je ne me sens pas à ma place, ici. Je ne suis pas à ma place. Je veux partir.

Le ton de sa voix témoignait d’une telle tristesse, et ses mots étaient enrobés d’une telle douleur que j’ai eu l’impression de sentir le vent me glacer jusqu’aux os tandis que mon cœur se serrait.

– Monsieur… Moi non plus, je ne me sens pas toujours à ma place, mais ce n’est pas une raison… Nous avons tous une place, vous savez? Nous avons tous notre place… Nous sommes tous uniques, et importants.
Il a poussé un nouveau ricanement, un ricanement différent, avec une sonorité un peu méprisante.
– Oh, épargnez-moi vos belles paroles! Je vous dis que vous ne pouvez pas comprendre… Je veux partir, je veux rentrer chez moi, et je crois que c’est la seule façon.

Je ne savais plus quoi lui dire. Peut-être que je ne pouvais pas réellement comprendre pour quelle raison il se tenait là, de l’autre côté de la barrière du pont, mais je comprenais, de plus en plus clairement, qu’il allait sauter. Qu’il allait sauter, et que je ne pourrais pas l’en empêcher. Je me voyais mal en train de l’agripper par le col de sa chemise, et le tirer du bon côté de la barrière… pour ensuite faire quoi?

Il m’a regardé une nouvelle fois. Ses yeux ont essayé d’éviter les miens, et ont glissé jusqu’à mon poignet. J’ai compris qu’il regardait ma montre.
– Vous aimez les montres? m’a-t-il demandé.
Je n’ai rien répondu. Sa question me dérangeait un peu. Je cherchais désespérément quelque chose à lui dire, quelque chose d’utile, qui pourrait le convaincre.
Il a touché son poignet gauche, puis il m’a tendu, de sa main droite, une magnifique montre au cadran en métal ouvragé, autour duquel scintillaient quelques minuscules diamants.

– Vous aimez les montres? a-t-il répété. Prenez la mienne, j’insiste… J’insiste. Elle vous sera plus utile qu’à moi. Là où je vais, le temps n’a plus d’importance.
Je regardais l’objet avec un regard plein de convoitise, mais je n’osais pas le prendre. Je collectionne les montres, voyez-vous. J’en ai plusieurs, de différents styles et de différentes valeurs, et je tiens à ce qu’elles donnent toutes la même heure, à la seconde près. Je vérifie souvent. Quand l’une d’elles prend un peu d’avance ou de retard, j’en ressens un étrange sentiment de décalage.
– Prenez-la, je vous en prie! Si vous ne l’aimez pas, donnez-la à quelqu’un d’autre, ou vendez-la, peu importe.

Il me tendait toujours la montre avec un sourire suppliant. J’ai fini par la prendre. Il a eu un petit hochement de tête satisfait.
– Je n’ai pas le choix.

Au moment où il a terminé sa phrase, il a fait un pas vers l’avant. Juste un pas.
Son corps est tombé dans le vide, mollement, bizarrement, un peu comme si j’étais en train de regarder un film au ralenti. J’ai retenu mon souffle et, un peu malgré moi, je me suis penché vers l’avant pour suivre sa chute. Il ne criait pas, il ne paniquait pas. Il ne faisait que tomber vers l’eau et les rochers. Son corps semblait mou et désarticulé.

J’ai cru le voir disparaître juste avant qu’il touche l’eau. J’ai cru le voir disparaître, tout simplement disparaître. J’ai même cru entendre un «pop!» sec et sonore, comme une parodie de tour de magie; comme si le bouchon d’une bouteille de champagne particulièrement ironique avait sauté subitement pour célébrer quelque chose qui ne méritait pas d’être célébré.

J’ai cru remarquer que la rivière n’avait pas été troublée par la moindre éclaboussure. J’ai vu qu’aucun corps ne flottait. Puis, j’ai reculé de plusieurs pas.
Je suis retourné vers ma voiture, lentement. Non… Il était impossible que l’homme soit simplement disparu. J’avais sans doute cru le voir disparaître parce que je refusais de le voir se noyer. Le voir tomber, c’était une chose, mais le voir se débattre, se débattre et mourir, c’était autre chose. C’était quelque chose de beaucoup trop terrible.

Une fois de retour dans ma voiture, j’ai laissé tomber mon téléphone sur le siège du passager, et j’ai observé la montre de l’homme pendant quelques minutes. Elle affichait la même heure, exactement, que la mienne. Elle était la preuve tangible que je n’avais pas rêvé.

J’ai repris la route, en continuant à me demander ce qui s’était passé. L’homme était-il vraiment disparu, ou mes yeux m’avaient-ils joué un tour? Qui était-il? Un fantôme? Un extraterrestre? Un visiteur venu d’une autre dimension?

Puis, avec une sorte de curiosité malsaine et troublante, je me suis mis à me demander ce qui se serait passé si j’avais sauté, moi aussi, au même endroit que lui. Après avoir épuisé toutes mes questions et mes pensées, et près de la moitié de mon réservoir d’essence, j’ai décidé qu’il était temps de rentrer chez moi.

Oui, ça commence souvent comme ça, par un chatouillement dans mon cou, mais d’habitude, ça ne se termine jamais comme ça.

-Fin-

Le cycle, partie 2

Voici la deuxième partie de l’histoire Le cycle, qui complète la première partie que j’ai publiée dans mon blogue hier:

C’était un peu lourd, tous ces cossins-là, mais pas trop. Une fois en haut de l’escalier, j’ai échappé quelques boîtes vides par terre, mais je les ai bottées avec mon pied pour qu’elles atteignent la porte presque en même temps que moi. Je suis sorti de la maison et j’ai marché jusqu’au bord de la rue, où j’ai laissé tomber les maudites vieilles boîtes par terre.

Je suis resté planté là quelques secondes, peut-être quelques minutes, pour essayer de me calmer un peu. L’air était un peu froid, et j’avais l’impression de me sentir observé. Un peu comme si la maison me regardait…

J’avais beau chercher une explication à ce qui s’était passé, je n’en trouvais aucune. Qu’est-ce qui s’était passé dans la maison? Qu’est-ce qui s’était passé? Ce n’était pas mon imagination, j’avais vraiment entendu une voix. Est-ce que c’était une voix… de fantôme?

Je me suis retourné, et j’ai vraiment fait le saut en voyant qu’il y avait un vieil homme derrière moi. Il m’a souri, d’un genre de sourire gêné, comme pour s’excuser de m’avoir fait peur. Peut-être que ce n’était pas un fantôme.

– Bonsoir, m’a-t-il dit. Vous venez d’emménager?

J’ai hoché la tête.

– Oui. Vous êtes mon voisin?

– J’habite à côté, oui, a-t-il répondu en montrant sa maison. Est-ce que vous êtes seul?

Il ne me montrait bien sûr pas la maison vide que j’avais nettoyée par erreur, mais l’autre, de l’autre côté. J’ai encore hoché la tête.

– Non… Ma femme et mon fils vont venir me rejoindre demain.

– Vous avez un fils?

Il a dit ça en haussant les sourcils, avec une genre de lueur d’espoir bizarre dans les yeux. J’espérais que je n’avais pas affaire à un prédateur sexuel, ou quelque chose du genre.

J’ai hésité un peu, puis je lui ai répondu:

– Oui, un grand garçon… Et ma femme est enceinte, la famille va s’agrandir très bientôt.

Là, il a eu l’air soulagé, un peu comme s’il avait eu peur d’avoir une maladie grave, et qu’un docteur venait de lui dire que finalement, tout allait bien. Il a marmonné quelque chose, plus pour lui-même que pour moi. J’ai cru l’entendre dire que le cycle serait peut-être brisé, ou quelque chose comme ça.

– Qu’est-ce que vous dîtes? Le cycle? Le cycle de quoi?

Il a hoché la tête, comme pour essayer de me faire comprendre que ce n’était pas important, mais en sachant qu’il n’avait pas l’air très convaincant.

– Ça fait plusieurs années que la maison est en vente… Votre nouvelle maison, oui. Tous les couples qui l’ont déjà achetée n’avaient pas d’enfant, et… Enfin, ils ont déménagé, ils sont repartis rapidement. Très rapidement.

– Et? Qu’est-ce que vous voulez dire?

Il s’est retourné pour regarder sa maison à lui, un peu comme s’il se cherchait une excuse pour partir sans rien m’expliquer. Il a fallu que j’insiste pour qu’il finisse par ajouter quelque chose, en parlant à voix basse.

– Des choses se sont passées dans cette maison, vous comprenez… Ma fille… Ma fille y est déjà entrée, et elle a eu des problèmes. Toutes sortes de choses se sont passées…

Il a dû remarquer que ses confidences bizarres me faisaient peur. Il a changé de ton, et il a réussi à s’accrocher un sourire amical sur la bouche, même si ses yeux avaient encore l’air inquiet.

– Mais ce n’est pas important! Je suis sûr que tout va bien aller… Bienvenue dans le quartier, et bonne nuit!

Avant que j’aie le temps de lui répondre, il a tourné les talons et il s’est enfui. J’ai jeté un dernier coup d’œil sur la pile de vieilles boîtes que j’avais sortie de ma cave, puis je suis retourné chez moi.

J’ai refermé la porte de la cave, je me suis lavé les mains parce qu’elles étaient un peu poussiéreuses à cause des boîtes, puis je me suis recouché en me demandant de quoi mon nouveau voisin étrange parlait.

J’ai vraiment mal dormi. J’ai encore entendu la voix bizarre qui m’appelait, et plusieurs petits bruits louches que j’essayais d’ignorer. Je ne suis pas certain de croire aux fantômes, mais là, je me demandais sérieusement si je n’avais pas acheté une maison hantée. Il y avait une voix qui sortait de nulle part, il y avait des bruits, et il y avait quelque chose qui ne marchait pas, quelque chose qui n’était pas normal. Est-ce que ma famille pourrait être en danger dans cette maison? Est-ce que j’allais finir par devenir fou si j’y restais trop longtemps?

C’est aujourd’hui, donc, que j’emménage dans ma nouvelle maison. Ma femme m’a appelé, tout à l’heure, pendant que je déjeunais. Elle trouvait que je n’avais pas l’air très enthousiaste, mais je lui ai dit que tout allait bien. Qu’est-ce que j’aurais pu lui dire d’autre? Elle m’a dit qu’elle passerait chercher notre fils, puis qu’ils me rejoindraient ici pour continuer de défaire nos boîtes.

Je sursaute en entendant frapper à la porte. J’abandonne la boîte de livres que j’étais en train de vider, et je vais les accueillir. Mon grand garçon est content de me voir. Il me saute dans les bras, mais il me demande où est passé le grand camion. Je lui explique que le camion est retourné chez lui, mais je ne lui dis pas, bien sûr, que j’ai un peu peur de devoir le rappeler bientôt pour qu’il vienne nous emporter loin de cette maison, loin de cette maudite maison. Je le serre fort dans mes bras. Il me sourit, et il y a quelque chose de spécial dans son regard, comme s’il s’inquiétait pour moi. Je me force pour lui sourire aussi, puis je le repose par terre. Plutôt que d’aller explorer la maison, il reste près de moi.

– Est-ce que ça va? me demande ma femme. T’as l’air bizarre à matin…

Je hoche la tête. Elle me dévisage avec ses beaux grands yeux bruns. Dans la lumière du matin, les traits un peu fatigués, sans maquillage, je la trouve tellement belle! J’ai l’impression que je suis en train de me réveiller après un cauchemar vraiment étrange, et de comprendre, petit à petit, que ce qui m’est arrivé n’était pas réel, et que tout va bien.

– Non, ça va… J’ai juste très mal dormi… J’ai fait un mauvais rêve, je pense. Oui, c’est ça… juste un mauvais rêve!

Elle hausse les sourcils, puis me sourit. Je sais pourtant que ce n’était pas un rêve. Je ne suis pas fou; j’ai vraiment entendu une voix qui disait mon nom, et notre nouveau voisin m’a vraiment raconté des drôles de choses. Ce n’était pas un rêve, mais je sens quand même que c’est terminé.

Je m’approche d’elle, je la prends dans mes bras, je la prends par surprise en même temps. Je lui dis que je l’aime, je la serre fort. Elle répond qu’elle m’aime aussi. Notre grand garçon veut se joindre à notre câlin, je le reprends dans mes bras, on se serre fort, tous les trois, et on se dit qu’on s’aime en ricanant. C’est beau, réconfortant et émouvant, comme le genre de films plates que ma femme aime, parce qu’ils la font pleurer.

Quand notre moment émotif est fini, on se lâche, mais en restant proches. Ensemble, on se met au travail. Il nous reste encore beaucoup à faire pour nous installer chez nous, mais on va y arriver. On est beaux, on est bons, on est capables!

La journée se passe dans la bonne humeur. Je n’entends plus la voix bizarre, et surtout, surtout, je sens qu’il n’y a plus rien de bizarre. Peu importe ce qui ne marchait pas avec notre maison, je pense que c’est fini, maintenant. C’est réparé. Il n’y a plus rien d’étrange, plus rien de menaçant.

C’est simplement notre maison, notre nouvelle maison à tous les trois; bientôt, ce sera notre nouvelle maison à tous les quatre. Je pense que je ne comprendrai jamais ce qui s’est passé, mais j’ai l’impression, comme me l’a dit mon nouveau voisin, que tout va bien aller pour nous.

-Fin-

Le cycle, partie 1

Ma mère Michelle Bouchard a été la première personne à relever le défi qui se trouve à la fin de mon Mini Livre Gratuit! Elle a donc pu me donner une phrase de son choix, pour que j’écrive pour elle une petite histoire, dans le style de son choix.

Comme ma mère adore l’histoire La maison sanglante, elle a voulu que j’écrive une nouvelle suite à cette histoire…

En fait, c’est un peu plus compliqué que ça! On pourrait dire que c’est la fin du cycle de l’histoire de la maison sanglante… Pour lire le tout dans l’ordre, vous pouvez lire:

  1. La maison sanglante, dans mon blogue ou dans mon recueil Ourse Ardente et 15 autres histoires
  2. Hémorragie, dans mon Mini Livre Gratuit
  3. Méchant ménage, dans mon recueil Ourse Ardente et 15 autres histoires

Et enfin, Le cycle. Comme l’histoire fait 5 pages, j’en publie la première partie ici, et la deuxième partie sera publiée demain!

Sans plus tarder, voici donc…

Le cycle

Après avoir fait accidentellement le ménage chez mon voisin, c’est aujourd’hui que j’emménage dans ma nouvelle maison. En fait, c’est un peu plus compliqué que ça.

Quand j’ai expliqué la situation à mon frère et à Keven et Marc, mes deux meilleurs chums, ils ont ri de moi sur le coup, comme je m’y attendais. Puis, ils ont réalisé que ça voulait dire qu’on avait travaillé pour rien toute la journée, et que ma nouvelle maison, ma vraie nouvelle maison, était encore sale. Là, c’était un peu moins drôle.

On a déménagé notre stock dans la maison d’à côté, et on a à peine eu le temps de commencer à manger nos pizzas avant de voir le camion des déménageurs arriver. Ma femme les suivait avec sa voiture, mais notre grand garçon de 4 ans était monté avec eux dans le camion. Je suis sorti à l’extérieur pour les accueillir.

Il a fallu que j’explique mon erreur à tout le monde. Les déménageurs avaient l’air grognon, comme si ça les concernait… Ce n’était pourtant pas leur problème que je me sois trompé, et que notre nouvelle maison soit pleine de poussière! Je leur ai assuré que ça ne changeait rien, et qu’ils n’avaient qu’à faire leur travail comme prévu. Ils ont commencé à décharger le camion, et même s’ils ne grognaient plus, je ne les ai pas trouvés très professionnels.

Mais ma femme… Je m’attendais soit à ce qu’elle soit fâchée, soit à ce qu’elle rie de moi. En tout cas, j’étais certain qu’elle allait me traiter de cave. Mais non… Elle avait l’air plus surprise que fâchée. Puis, quand je l’ai vue fixer la maison, le teint blême, en posant une main sur son ventre, j’ai commencé à m’inquiéter. Je me suis rappelé ce que le docteur avait dit: que le moindre effort, le moindre choc ou la moindre surprise pouvait être dangereux pour le bébé. Je lui ai dit que ce n’était pas grave, que mon frère et mes chums allaient m’aider à nettoyer notre vraie maison, et qu’elle n’avait pas à s’inquiéter de rien. Je lui ai aussi dit que j’appellerais mon boss pour lui dire que je n’avais pas le choix de prendre une autre journée de congé demain. Surtout, je lui ai suggéré d’aller se reposer dans une chambre d’hôtel; j’avais vu qu’il y en avait un pas très loin de notre nouveau quartier, et je me suis dit que ça serait mieux pour elle que de passer la nuit dans une maison sale et en désordre. Elle a fini par accepter. Je lui ai fait promettre de m’appeler si quelque chose n’allait pas, je l’ai embrassée, elle a embrassé notre grand garçon, puis elle est partie.

J’ai regardé son auto s’éloigner, puis je suis allé aider les autres à décharger le camion. On a décidé de rassembler les meubles et les boîtes au milieu des pièces, surtout au milieu du salon. Comme ça, ça nous laisserait le champ libre pour faire le ménage; et surtout, je ne savais pas trop comment placer tous nos meubles, et je sentais que les déménageurs avaient hâte de nous quitter, alors j’ai décidé de réfléchir à l’aménagement de la maison un peu plus tard.

Pendant ce temps-là, mon grand garçon était tranquille. Il est resté dehors parce qu’il était vraiment fasciné par le camion de déménagement. Marc lui a demandé s’il avait envie de devenir un déménageur plus tard, et il a répondu que non, qu’il avait juste envie d’avoir un gros camion. Moi, je lui ai dit que c’était important de croire en ses rêves!

Vers 5h, mon frère est venu me dire qu’il fallait qu’il parte chercher son fils à la garderie. Il était désolé de ne pas pouvoir nous aider plus longtemps, mais il m’a proposé d’amener mon grand garçon avec lui et de s’occuper de lui jusqu’à demain.

Quand les déménageurs ont fini par partir eux aussi, je me suis retrouvé tout seul avec Keven et Marc, dans une maison remplie de meubles, de boîtes, de poussière et de saleté. Au moins, on avait encore de la bière et de la pizza! On s’est tous entendus pour dire que la pizza froide, c’était encore meilleur que la pizza chaude, alors on a mangé et on a bu en masse, pour se donner des forces et du courage.

Je vous épargne la description de tout ce qu’on a fait du reste de notre journée. On a eu beaucoup, beaucoup d’époussetage à faire, mais au moins, notre stock de nettoyage était déjà sorti et prêt à être utilisé. Il a juste fallu que je fouille dans quelques grosses boîtes pour trouver mon aspirateur. On a aussi installé les électroménagers et le lit.

Finalement, en fin de soirée, les gars sont partis, épuisés de leur journée, mais bien contents d’avoir pu me donner un coup de main, deux fois plutôt qu’une. Je les ai remerciés en leur disant que je leur en devais une, et même, deux. Keven m’a proposé de revenir m’aider à finir de placer mes meubles le lendemain, en après-midi, et je lui ai dit qu’il était le bienvenu. Plus on est de fous, plus on s’amuse, le gros! Les meilleurs chums, ça sert à ça, n’est-ce pas?

Une fois seul dans mon salon, j’ai appelé ma femme pour prendre de ses nouvelles. Elle m’a dit qu’elle allait bien, et elle m’a demandé comment ça s’était passé. Je lui ai répondu que ça avançait bien, et que mon frère s’occupait de notre grand garçon jusqu’à demain. Elle a proposé d’aller le prendre demain matin, en revenant ici. On s’est souhaité bonne nuit, puis, j’ai raccroché.

Là, je sais pas trop ce qui s’est passé. J’ai commencé à me sentir bizarre. Pas comme s’il y avait eu quelque chose de passé date sur nos pizzas, non… C’était plus bizarre que ça. On dirait que je me sentais observé, ou juste qu’il y avait quelque chose qui ne marchait pas avec la maison. Oui, c’était ça; il y avait quelque chose qui ne marchait pas avec la maison. Quelque chose de différent de quand je l’avais visitée pour la première fois avec ma femme. Quelque chose qui n’était pas là quand j’étais avec les déménageurs et avec mes chums, mais quelque chose qui était là, maintenant. Je sais pas trop comment expliquer ça, mais bref, je me sentais bizarre.

J’ai continué à défaire des boîtes, en me parlant tout seul… comme si ça allait m’aider à me sentir plus normal! Je devais plutôt avoir l’air pas mal niaiseux. J’ai fait le lit pour pouvoir me coucher et être confortable, et ensuite j’ai sorti ce qu’il me fallait et j’ai pris une douche.

Une fois propre, je me suis couché, mais dès que ma tête a touché mon oreiller, j’ai eu l’impression d’entendre quelque chose. Une voix. Quelqu’un avait parlé. J’ai retenu ma respiration, et j’ai entendu la voix une deuxième fois. Elle venait du salon. Je me suis assis dans mon lit, et j’ai demandé s’il y avait quelqu’un; oui, comme ils font toujours dans les films d’horreur, et chaque fois, je me dis que c’est niaiseux, mais là, je l’ai fait moi-même. «Est-ce qu’il y a quelqu’un?» C’est clair que si c’est un fantôme, un monstre, ou quelqu’un de dangereux, il ne va pas répondre.

La voix a répondu. Elle a juste dit mon nom, je l’ai entendu très clairement. Je me suis presque jeté en bas de mon lit, et je me suis précipité dans le salon, sans réfléchir.

Les meubles du salon étaient placés n’importe comment, avec des piles de boîtes au milieu de la pièce. Si quelqu’un avait été caché là, j’aurais eu de la misère à le trouver. Mais il n’y avait personne, j’ai vérifié; et pendant que je faisais le tour de la pièce en me cognant les orteils sur quelques boîtes au passage, la maudite voix bizarre continuait de dire mon nom. Je n’ai pas osé ouvrir la lumière, je ne sais pas trop pourquoi. Il y avait de la lumière qui venait de la rue, et qui entrait par la grande fenêtre sans rideaux, mais il y avait surtout des ombres et des coins sombres, à cause des boîtes. Il y avait de la lumière, des ombres, moi qui pognais les nerfs, mais personne d’autre.

J’ai aussi fait le tour de la cuisine, puis de toutes les pièces. J’ai regardé par les fenêtres, puis dans les armoires de la cuisine, dans les garde-robes, dans le bain… J’ai même regardé sous mon lit! Il n’y avait personne, juste une voix, comme une voix de fantôme qui m’appelait.

Là, je vous mentirais si je vous disais que je n’avais pas peur. Bien sûr que j’avais peur. Je n’ai pas pensé une seule seconde que c’était peut-être un de mes chums qui m’avait fait un tour. Il y avait quelque chose qui ne marchait pas, qui ne marchait vraiment pas. Je le sentais.

Si j’avais eu des bouchons pour les oreilles, peut-être que je les aurais mis et que j’aurais essayé de dormir… Peut-être. Mais je n’avais pas de bouchons, j’étais fatigué de ma journée, et même si j’avais peur, j’ai eu l’idée de descendre dans la cave de la maison. Il n’y avait personne à l’étage, mais peut-être dans la cave?

J’ai allumé la lumière de la cave, et je suis descendu, en disant à voix haute que si quelqu’un était caché là, il avait intérêt à se taire et à sortir de ma maison au plus vite. Et c’est là que je les ai vues: les boîtes. Je les avais vues quand on avait visité la maison pour la première fois, et je me demandais, plus tôt aujourd’hui, quand j’étais dans la cave de la maison voisine, pourquoi elles n’étaient pas là. Les maudites boîtes…

La voix continuait à m’appeler, elle parlait encore plus fort que quand j’étais dans le salon, mais je me suis mis à crier pour essayer de l’enterrer. Je lui ai crié de se la fermer, et entre deux «Ta gueule!» je chialais que j’étais tanné de faire du ménage, et que j’allais sacrer toutes ces boîtes-là dehors, et qu’après j’irais me coucher, et que rien n’allait m’en empêcher… Je pense que j’étais pas juste fâché, j’étais en train de virer fou. En plus, la cave puait vraiment, et ça n’aidait pas mon humeur.

J’ai donné des coups de pied dans les piles de boîtes, j’ai défait celles qui étaient vides, et je les ai empilées dans celles qui ne l’étaient pas, sans prendre la peine de regarder quelles cochonneries il y avait dans le fond. J’ai ramassé ma pile difforme de vieilles boîtes, et je suis remonté en haut.

… À suivre!

(Ah oui, aujourd’hui, c’est le 35e anniversaire de mariage de mes parents… Bon anniversaire maman et papa!)

William et la lune, partie 2

Voici la deuxième partie de l’histoire William et la lune:

La voiture survolait une forêt immense, avec des grands arbres de toutes les couleurs: des oranges, des mauves, des roses et des jaunes. Ils ressemblaient presque à des fleurs. Le ciel était d’un beau bleu brillant, et rempli de gros nuages blancs qui ressemblaient à des boules de ouate.

William tendit une main pour toucher un des nuages. Comme il était doux! C’était comme un gros coussin moelleux et confortable… Mais William n’avait pas le temps de s’installer sur un nuage pour faire une sieste! Il avait une mission à remplir. Il devait retrouver la lune.

Selon Monsieur Boum, le méchant qui avait volé la lune l’avait amenée dans ce monde magique… Où l’avait-il cachée? Comment un petit garçon comme lui, qui voyageait avec son ours en peluche dans une voiture volante, pourrait-il la retrouver?

– Je crois que j’ai une idée, dit Monsieur Boum.

L’ours regarda William et lui sourit, sans lâcher le volant de la voiture.

– Regarde là-bas! continua-t-il. Cette vilaine montagne toute noire! Je crois que c’est le seul endroit qui soit assez gros pour cacher la lune.

Monsieur Boum avait raison. Au loin, il y avait une immense montagne, toute noire, entourée de gros nuages gris.

Mais tout à coup, de grosses chauves-souris noires se précipitèrent sur la voiture en poussant d’étranges cris. Les vilaines créatures essayaient de crever les pneus de la voiture volante. William eut très peur, mais heureusement, Monsieur Boum avait tout prévu.

– William! cria l’ours. Il faut que tu chasses ces créatures! Ouvre le coffre secret!

William ouvrit le coffre à gants de la voiture, qui se trouvait devant lui. Il y trouva plusieurs blocs colorés sur lesquels il y avait des dessins d’animaux et des lettres de l’alphabet.

– Prends ces blocs et lance-les sur les chauves-souris! lui demande Monsieur Boum. Ce sont des blocs magiques!

William prit un premier bloc, et le lança sur le nez d’une vilaine chauve-souris. Le bloc explosa en plusieurs étincelles rouges, et la vilaine chauve-souris s’enfuit en poussant des cris terrifiés. William lança un deuxième bloc, puis un troisième. Effrayées par les étincelles rouges, bleues et vertes, les créatures retournèrent d’où elles étaient venues.

Mais alors que William et Monsieur Boum croyaient qu’ils étaient sauvés, un bruit bizarre se fit entendre.

– Je crois que Zip a un problème! dit Monsieur Boum.

La belle voiture rouge se mit à tomber, et l’ours ne pouvait plus la contrôler. William cria, mais remarqua bien vite que la voiture se dirigeait vers un gros nuage blanc, qui amortit leur chute. Ils avaient de la chance!

Les deux amis sortirent de la voiture. William marchait sur un nuage! Même s’il était inquiet pour Zip, il était heureux de pouvoir marcher sur un nuage douillet pour la première fois de sa vie.

– Une des chauves-souris a crevé un des pneus de Zip, annonça Monsieur Boum d’un air rassuré. Ce n’est rien! Je vais réparer tout ça.

William regarda le pneu dégonflé, qui était tout mou. Monsieur Boum ouvrit le coffre arrière de la voiture, et en sortit quelques objets que William n’avait jamais vus. Le petit garçon regarda attentivement son ours pendant qu’il inséra, à l’aide d’un outil long et pointu, une sorte de bandelette collante à l’intérieur du trou percé par une des vilaines chauves-souris. Monsieur Boum retira l’outil pointu, puis coupa les extrémités de la bandelette. Le pneu n’était maintenant plus percé, mais il était encore tout mou. Monsieur Boum prit alors une pompe, et regonfla lentement le pneu jusqu’à ce qu’il retrouve son aspect normal. William était fasciné.

– Voilà! dit Monsieur Boum. C’est réparé! Nous pouvons repartir.

William et son ours remontèrent à bord de la voiture, qui s’envola de nouveau. Ils approchèrent bientôt de la haute montagne sombre. William remarqua qu’il y avait une sorte de grosse porte au pied de la montagne, et qu’une lueur blanche sortait par cette porte. C’était sûrement la lune qui essayait d’appeler au secours!

Monsieur Boum arrêta la voiture devant la porte de la montagne, puis se tourna vers William.

– Nous y sommes… Il est temps d’aller voir ce qui se passe dans cette montagne! Tu es prêt?

William hocha la tête. Les deux amis sortirent de la voiture, et s’avancèrent vers la mystérieuse porte. Ils entrèrent à l’intérieur d’une immense grotte. William leva les yeux, et vit que la lune était enfermée dans une grande cage qui était accrochée au plafond. Pauvre lune, seule dans une cage trop petite pour elle, comme les chats et les chiens au magasin d’animaux où William allait parfois avec ses parents! Il montra la cage à son ours.

– La lune! s’exclama Monsieur Boum. Nous l’avons trouvée! Il faut la sortir d’ici!

– C’est à vous de sortir d’ici! dit tout à coup une voix menaçante.

William et Monsieur Boum sursautèrent. Dans un coin tout sombre de la grotte, ils virent une silhouette qui les observait.

– Partez d’ici! dit la voix. Je ne veux voir personne!

– Qui êtes-vous? répliqua courageusement Monsieur Boum. Pourquoi avez-vous volé la lune?

– Partez d’ici! répéta la voix.

William avait peur, mais il ne pouvait pas abandonner la lune. Il s’approcha doucement de la silhouette qui se cachait dans l’ombre. Il découvrit bien vite que le méchant qui avait volé la lune était un crocodile en peluche, un très grand crocodile en peluche qui n’avait plus qu’un seul oeil. William remarqua que sa peau de tissu vert était déchirée à plusieurs endroits. Il se demanda ce qui lui était arrivé.

Le crocodile regarda William avec l’oeil qu’il lui restait. Même si sa voix était menaçante, le petit garçon trouvait que ce crocodile blessé avait l’air triste. Monsieur Boum s’approcha à son tour, et découvrit lui aussi qui était le voleur de lune.

– Oh! Mais qu’est-ce qui vous est arrivé? demanda l’ours. Et pourquoi avez-vous volé la lune? Ce n’est vraiment pas gentil!

– J’ai pris la lune pour qu’il n’y ait plus de monstres, dit le crocodile.

– Comment? Je ne comprends pas! dit Monsieur Boum.

Le crocodile regarda William d’un air tout triste, puis, il décida de raconter son histoire.

– Avant, j’étais le meilleur ami d’une petite fille appelée Nancy. Je veillais sur elle pendant la nuit, parce qu’elle avait peur qu’il y ait des monstres dans sa chambre. Un jour, la maman de Nancy a décidé qu’il était temps pour moi de prendre un bain… Mais au lieu de me laisser aller dans la baignoire, elle m’a déposé dans une grosse machine effrayante qui tournait en faisant beaucoup de bruit.

– Une machine à laver! commenta Monsieur Boum. C’est vrai que ces machines sont effrayantes.

– Quand je suis sorti, continua le crocodile, j’étais tout propre, mais j’avais perdu un oeil, et j’étais tout déchiré. Nancy ne m’aimait plus… Elle avait peur de moi, car elle croyait que j’étais devenu un vilain monstre! J’étais triste, et je me suis enfui de la maison. J’ai pris la lune pour pouvoir continuer à protéger Nancy contre les monstres… S’il n’y a plus de nuit, il n’y aura plus de monstres non plus!

William trouvait l’histoire du crocodile très triste, et il avait envie de faire quelque chose pour l’aider.

– Il ne fallait pas vous enfuir, dit Monsieur Boum. Je crois que j’ai une solution à votre problème! Je reviens tout de suite!

L’ingénieux Monsieur Boum se rendit jusqu’à la voiture, et revint avec une bobine de fil et une aiguille. L’ours raccommoda les déchirures du crocodile avec soin.

Quand il eut terminé, le crocodile était comme neuf! Mais il lui manquait toujours un oeil… William eut alors une idée. Il tira sur un des boutons de sa chemise, et le tendit à Monsieur Boum. L’ours le prit, et le cousit en place. Le crocodile avait maintenant deux yeux, et un grand sourire.

– Merci, oh merci! dit-il à William. Je n’ai plus l’air d’un monstre! Je peux maintenant retourner chez moi et aller jouer avec Nancy!

– Et vous pouvez libérer la lune, dit Monsieur Boum.

– Oui, bien sûr, dit le crocodile. Merci de votre aide!

William était heureux d’avoir pu aider le crocodile. Celui-ci décida de libérer la lune, et en échange, Monsieur Boum proposa de le reconduire chez lui grâce à la voiture volante.

William ouvrit tout à coup les yeux, et se retourna dans son lit douillet. Il était dans son lit! Avait-il rêvé toute cette aventure? Tout avait semblé si réel! Il se frotta les yeux, et regarda par la fenêtre. Le ciel était noir, et la lune ronde brillait. Le petit garçon avait hâte que le matin vienne pour pouvoir se lever, et jouer avec ses jouets.

William comprit alors que la nuit était aussi importante que le jour. Pendant la nuit, on peut faire des rêves fabuleux, mais surtout, on peut se reposer pour être prêt pour la journée suivante, et pour bien profiter de chaque instant.

Il salua la lune brillante d’un signe de la main, puis il referma les yeux et se rendormit.

Fin

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