Film d’écrivain en péril: Retour vers le cauchemar

En tant qu’auteure, j’écris pas mal toujours à partir de mon bureau. Je n’ai jamais ressenti le besoin d’aller louer une maison hantée pour m’y installer et chercher de l’inspiration pour un prochain roman.

Pourtant, on dirait qu’il y a plein d’auteurs qui font ça… Peut-être pas dans la vraie vie, mais dans les films, oui!

J’ai regardé un film d’horreur appelé Retour vers le cauchemar, ou The Nesting, dans sa version originale. Le film est paru en 1981, et Frissons TV en donnait cette description:

«Une écrivaine cherchant l’inspiration pour son nouveau roman emménage dans un manoir qui se révèle hanté.»

Hum… Ça sonne familier, non? J’ai l’impression d’avoir vu ce film-là une centaine de fois, et d’en avoir parlé autant de fois dans mon blogue. Voyons voir…

Lauren Cochran est auteure de romans gothiques. Ou en tout cas, on peut voir qu’elle a publié au moins un roman, appelé The Nesting, sur lequel on voit l’illustration d’une maison et d’une femme qui semble s’en sauver.

Contrairement à ce que disait le résumé, elle n’a pas décidé de louer un manoir pour chercher de l’inspiration pour écrire, mais bien parce qu’elle était agoraphobe et qu’elle faisait des crises de panique juste en sortant de son appartement. Elle s’est donc dit qu’emménager à la campagne pourrait être une bonne chose pour sa santé mentale.

Oups… 😬

Comme c’est le cas pour beaucoup d’écrivains dans les films d’écrivain en péril que je regarde, j’ai trouvé le personnage de Lauren antipathique, pour ne pas dire vraiment gossant. Les auteurs ont souvent des caractères douteux dans les films… Pourtant, il me semble que la plupart d’entre eux ne sont pas si pires que ça, dans la vraie vie!

Lauren décide donc de quitter New York et d’aller habiter dans une vieille maison abandonnée. Maison qui ressemble à celle présentée sur son roman, même si elle insiste qu’elle ne l’a jamais vue de sa vie.

En trouvant cette maison par hasard, elle décide de tout simplement entrer à l’intérieur, étant certaine d’avoir vu quelqu’un par une des fenêtres de l’étage. Euh… oui, ok. C’est logique. J’imagine?

Son petit ami Frank, qui est venu lui donner un lift jusqu’à cet endroit, exprimait assez bien mon appréciation personnelle du manque de jugement de Lauren en lui disant des choses du genre «Pour quelqu’un qui a peur de sortir de chez toi, je te trouve très à l’aise chez les autres!».

Ah, Frank… Malheureusement, il est parti et n’est revenu qu’à la fin du film. Le tout aurait été beaucoup plus amusant s’il était resté là avec ses répliques sarcastiques et son attitude terre à terre.

Mais non, Lauren est restée là seule. Après avoir conclu que la maison était bel et bien abandonnée, elle l’a louée et s’y est installée. Aussitôt, elle s’est mise à faire d’étranges rêves et à voir des choses qui l’ont convaincue que la maison était hantée.

Elle a des hallucinations, des fantômes de femmes élégantes se moquent d’elle, tous les salauds du coin la harcèlent… oh, et des gens autour d’elle meurent!

Elle finira bien sûr par comprendre pour quelle raison cette mystérieuse maison apparaissait dans son roman, et pourquoi elle lui semblait si familière…

C’est bien beau, tout ça, mais a-t-elle écrit un nouveau roman, finalement? Pas vraiment… mais elle a passé du temps à taper sur sa machine à écrire, au lieu de juste fuir cet endroit sinistre et hanté tel que je l’aurais fait si j’avais été à sa place.

On n’apprend pas, non plus, si son court séjour l’a aidée à guérir de son agoraphobie. Peut-être qu’elle a juste acquis de nouvelles phobies…

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Film d’écrivain en péril: La maison hantée

Me revoici enfin avec mes commentaires inutiles sur un film mettant en vedette un écrivain en péril!

Bon, j’appelais ça «Le film de la semaine», parce qu’au début de cette aventure, je commentais vraiment un film par semaine. Mais comme ça fait longtemps que ça a changé, il était temps que je change le titre de ma chronique, non?

Ces temps-ci, je travaille fort sur la révision de La quête de Marianne. Mais comme l’Halloween s’en vient, je me suis dit que je pourrais prendre le temps de regarder et commenter un charmant film appelé La maison hantée!

En fait, ce film n’était pas vraiment charmant, hélas…

La maison hantée, version française de The House that Screamed, est un film d’horreur américain sorti en 2000 que j’avais enregistré sur Frissons TV. Certains des personnages du film semblaient tout droit sortis des années 70, mais je ne sais pas si c’était voulu ou non.

Résumé: «Un écrivain veuf depuis peu loue une maison hantée pour y trouver l’inspiration nécessaire à l’écriture de son nouveau roman, mais les fantômes qui la hantent se révèlent beaucoup plus menaçants que prévu.»

Le film commence avec un narrateur, et un texte qui défile devant l’image d’un cimetière, pour nous avertir du fait que le seul mystère non résolu, au début des années 2000, est: y a-t-il une vie après la mort?

Ah, ben coudonc… C’est sûr que ça fait un bout de temps, l’an 2000, mais je ne me rappelle pas que c’était aussi peu mystérieux que ça.

Après cette introduction tragique qui nous met aussi en garde contre les maisons hantées, on voit une fille qui prend sa douche, puis une série d’images effrayantes, comme une tête décomposée, une main de zombie clouée à un mur, une petite fille avec une hache sanglante dans la main, et… euh… une femme en lingerie rouge qui se trémousse? Ah, ok.

On rencontre ensuite Marty Beck, écrivain, que j’ai tout de suite trouvé très antipathique… Disons que ça ne m’a pas aidée à m’intéresser à ses mésaventures tout au long du film. J’étais plutôt portée à dire «Ah, man, come on, pourquoi tu fais ça? T’es ben cave…». Mais à bien y réfléchir, juger Marty était pas mal l’aspect le plus intéressant/amusant du film.

Donc, comme le résumé le dit, Marty se rend dans une ville où il loue une maison hantée auprès d’une agence immobilière, et en chemin, il nous montre à quel point il se fout de ses lecteurs en disant à un monsieur, qui lui avoue avoir lu et aimé tous ses livres, qu’il doit sûrement être masochiste… pour ensuite refuser de lui signer une dédicace, et se sauver en lui promettant de lui envoyer son prochain roman décidacé, alors qu’il n’a ni son nom ni son adresse. Wow!

Une fois qu’il a emménagé dans la maison, plein de choses effrayantes (ou juste vraiment gossantes) lui arrivent, comme par exemple, quelqu’un qui frappe à la porte de la maison quand il prend son bain, pour ensuite disparaître. C’est vrai que ça fait peur, l’idée de devoir sortir de son bain pour aller répondre à la porte avec une serviette autour de la taille. 😱

Bon, il lui arrive aussi des choses plus troublantes. Mais plutôt que de simplement partir, notre cher ami Marty décide de rester, car la maison l’inspire pour son prochain livre. L’inspiration, on ne peut pas contrôler ça, quand on est auteur. Elle vient, ou elle ne vient pas. Ça ne lui dérange pas qu’un auteur puisse être en danger, ou que des fantômes malveillants puissent vouloir le tuer.

Je suis quand même heureuse que mon inspiration à moi ne m’ait jamais mise en péril de cette manière-là!

Ah, et selon Marty, oui, les auteurs sont bizarres… mais c’est pire dans le monde du cinéma. (Cette pensée résume assez bien le film!)

La maison sanglante

Mon lancement virtuel est terminé. Merci à tous les participants!

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L’histoire qui a obtenu le plus de votes (2 votes!) sur la page Facebook de mon lancement virtuel est: La maison sanglante.

Voici donc cette histoire, tirée de mon recueil Ourse Ardente et 15 autres histoires

La maison sanglante

La maison sanglante venait de faire une nouvelle victime, mon pied bleu en témoignait. J’avais grandi à côté de cette maison, sans savoir que j’y entrerais un jour. En fait, j’ai toujours espéré ne jamais avoir à y entrer.

La maison ressemblait à celle de mes parents, et à toutes celles du quartier. Ce qui la distinguait des autres, en apparence, c’était la couleur de ses briques. Alors que ses voisines présentaient des façades d’un gris banal ou d’un brun terreux, les briques de la maison sanglante étaient rouges. Si la couleur de la maison ne nuisait pas à sa réputation, elle n’était pas la principale raison pour laquelle les enfants, et même les adultes du quartier l’appelaient par ce nom particulier depuis plusieurs années.

Lorsque j’étais jeune, les enfants du voisinage se réunissaient au parc, et se racontaient souvent des histoires de peur, comme on les appelait. Les histoires les plus populaires concernaient toujours la maison sanglante. On disait, entre autres choses, que la maison était maudite, et que tous les gens qui y entraient se mettaient à saigner sans aucune raison, et qu’ils saignaient, saignaient… Jusqu’à ce qu’ils sortent de la maison sanglante… ou jusqu’à ce qu’ils meurent.

Bon, d’accord, mon pied ne saignait pas. Il était marqué d’une grande tache bleue, traversée par la sangle de ma sandale. Un bleu… Oui, je saignais, mais de l’intérieur seulement.

Comme j’habitais dans la maison grise à gauche de la maison sanglante, les histoires qui la concernaient me faisaient particulièrement peur. Je n’avais jamais vu les gens qui y habitaient. Je savais seulement qu’ils n’avaient pas d’enfant.

Un jour, j’ai entendu mes parents dire que la maison sanglante avait fait une nouvelle victime. Je n’avais jamais entendu aucun adulte appeler la maison ainsi, mais quand j’ai questionné mes parents, ils ont refusé de m’en dire davantage. Ce n’est que plusieurs années plus tard, un ou deux ans avant que je ne parte dans mon premier appartement, je crois, qu’ils m’ont parlé de ce qu’ils savaient à propos de la maison. Ils m’ont dit qu’au cours des années, plusieurs jeunes couples y ont emménagé. La plupart sont partis après seulement quelques semaines. Ceux qui sont restés plus longtemps ont fini par sortir aussi, la femme étendue sur une civière, et l’homme, assis à l’arrière d’une voiture de police. Ou l’inverse. À partir de ce moment, j’ai commencé à voir la maison sanglante sous un autre angle. Elle projetait subitement une nouvelle image, plus digne d’un film d’horreur inspiré de faits réels que d’une série d’histoires racontées par des enfants.

J’ai déménagé, à l’autre bout de la ville. Chaque fois que je visitais mes parents, je ne pouvais pas m’empêcher de jeter un oeil à la maison sanglante, et d’imaginer tout ce qui avait pu se passer derrière ses murs rouges. Mais je n’avais jamais cru qu’un jour, je serais obligée d’y entrer.

En fait, j’aurais pu dire non. Mais je n’ai rien dit, parce que je me voyais mal en train d’expliquer à ma patronne que je ne voulais pas aller faire du ménage dans la maison sanglante, parce que j’avais peur d’y mourir. Je travaille pour une compagnie d’entretien ménager résidentiel, et nous sommes souvent engagés par des familles qui s’apprêtent à déménager, ou à s’installer dans une nouvelle demeure, et qui tiennent à ce que tout soit propre. Quand Andrée m’a donné l’adresse de la maison qu’un jeune couple très pointilleux venait d’acheter, et souhaitait voir briller de propreté, j’ai tout de suite compris qu’il s’agissait de la maison sanglante. Mais je n’ai rien dit.

Je suis partie avec Marie-Sophie, une de mes collègues. Elle a stationné sa voiture dans l’allée de la maison sanglante, devant laquelle le panneau «À vendre» était maintenant bel et bien surmonté d’une affiche sur laquelle «Vendue» était écrit, en lettres blanches sur fond rouge.

Nous sommes entrées à l’intérieur. Marie-Sophie est entrée la première, et je marchais derrière elle, en tentant de camoufler ma nervosité. Mon imagination m’avertissait que l’intérieur de la maison serait sinistre, que les planchers seraient incrustés de taches de sang séché, et que des bruits inquiétants se feraient entendre, semblant provenir de l’intérieur des murs.

Tout en étant rassurée, j’étais, je dois l’admettre, un peu déçue. L’intérieur de la maison sanglante n’avait rien de sinistre. Des pièces vides où flottait une légère odeur d’humidité. Des murs blancs, à la peinture un peu défraichie. Quelques toiles d’araignées qui pendaient du plafond. Ce qui me troublait le plus, en fait, c’était le fait que la disposition du salon, de la cuisine, de la salle de bain et des chambres était exactement la même que celle de la maison de mes parents. Cela n’avait, en fait, rien de surprenant; toutes les maisons du quartier étaient, je crois, construites selon le même modèle. Mais j’avais l’impression d’être dans la maison de mes parents, si celle-ci se retrouvait subitement vide, inhabitée, sans vie, et je me sentais un peu mal à l’aise, sans trop savoir pourquoi.

Comme à son habitude, Marie-Sophie avait apporté sa petite radio. Elle disait souvent, en plaisantant, que si un jour elle devait travailler sans musique, elle en mourrait d’ennui. Elle a donc allumé la radio, et nous avons commencé à nettoyer les armoires de la cuisine.

Au bout d’une heure, peut-être deux, la radio a produit une sorte de crépitement, et elle s’est arrêtée. Après avoir inspecté sa fidèle amie, Marie-Sophie a déclaré que les piles avaient coulé, et qu’elle n’en avait pas d’autres dans sa voiture. Déçue, elle s’est remise au travail.

Un peu plus tard, elle s’est mise à se plaindre de maux de ventre, qu’elle disait atroces. Nous avons terminé notre grand ménage de la cuisine, et nous avons commencé à épousseter le salon, puis le corridor qui menait à la salle de bain. Marie-Sophie n’a pas arrêté de se plaindre. De plus en plus agacée, j’ai fini par lui dire que si elle avait trop mal au ventre pour travailler, elle n’avait qu’à partir. Elle m’a écoutée… Elle m’a dit qu’elle allait se reposer chez elle, et qu’elle reviendrait m’aider plus tard. Ma gorge s’est serrée lorsque j’ai entendu la porte se refermer derrière elle. J’étais maintenant seule. Seule, dans la maison sanglante.

J’ai continué à travailler, mais sans vraiment m’appliquer. Mes parents m’ont toujours répété que tout ce qui mérite d’être fait mérite d’être bien fait. Cependant, je n’avais pas l’intention d’appliquer ces sages paroles dans ma situation actuelle. J’étais seule dans la maison sanglante, et je n’avais qu’une envie, et qu’un but: en sortir le plus rapidement possible. Et puis, de toute façon, les chambres de la maison n’étaient pas vraiment sales. Je les ai époussetées rapidement, avant de m’attaquer à la salle de bain.

J’étais assise sur le rebord du bain, à me demander pourquoi j’avais un aussi gros bleu sur le pied alors que je ne me souvenais pas de m’être cognée nulle part, quand tout à coup, mon téléphone cellulaire a sonné.

J’ai sursauté, puis j’ai couru jusqu’à la cuisine, là où j’avais laissé mon téléphone, sur le comptoir. J’ai répondu, pour entendre la voix paniquée d’Élisabeth, la soeur de Marie-Sophie, me dire que ma collègue avait été amenée à l’hôpital, et qu’elle souffrait d’une hémorragie interne au niveau de l’estomac. Sans écouter les détails, et sans laisser ma voix dénoncer mes émotions, je l’ai remerciée de m’avoir donné des nouvelles, et j’ai raccroché.

Une hémorragie interne. Marie-Sophie était elle aussi victime de la malédiction de la maison sanglante. Je me suis dit que ce n’était qu’une coïncidence, et que tout irait bien. Malgré tout, la nervosité que j’avais ressentie en entrant dans la maison ne faisait qu’augmenter.

J’ai eu une soudaine envie de sortir de la maison en courant, d’entrer chez mes parents, et de leur dire que j’avais la preuve qu’il se passait des choses anormales dans la maison sanglante, et que je ne voulais pas y retourner. J’aurais pu partir, prétendre que la maison était maintenant propre, et fuir le danger, ou, du moins, mes responsabilités…

Je sais ce qui se serait passé: mes parents se seraient moqués de moi, et le couple qui a acheté la maison se serait plaint de mon travail mal fait. Je n’allais quand même pas laisser la maison sanglante faire une tache sur ma réputation au travail!

J’ai fermé les yeux et j’ai pris quelques longues et lentes respirations. Lorsque j’ai ouvert les yeux, je me trouvais toujours dans la maison, mais je me sentais beaucoup plus calme. Un peu plus calme.

J’ai repris mon téléphone, et j’ai appelé Andrée. Je lui ai dit que Marie-Sophie était à l’hôpital, et que j’aimerais avoir du renfort. Elle m’a répondu que personne ne pouvait venir pour le moment, mais qu’elle m’enverrait quelqu’un dès que possible. Je suis retournée dans la salle de bain, et j’ai continué mon travail.

Lorsqu’un bruit s’est fait entendre un moment plus tard, j’ai cru que quelqu’un frappait à la porte. J’ai couru jusqu’à la porte… Il n’y avait personne. Je suis retournée dans la salle de bain une fois de plus, et j’ai terminé de tout nettoyer.

Je m’étais occupée de la cuisine, du salon, des corridors et des chambres, et la salle de bain était maintenant propre. Il ne restait plus que le sous-sol.

Le sous-sol… Combien existe-t-il de films d’horreur dans lesquels le danger se trouve dans le sous-sol? Qu’il s’agisse d’une maison hantée ou non, la cave est toujours un endroit lugubre, sombre, inquiétant, où se cachent des fantômes, des tueurs, des psychopathes, des cadavres, ou de terribles secrets… Qu’allais-je trouver dans le sous-sol de la maison sanglante?

En m’approchant de l’emplacement des escaliers menant au sous-sol dans la maison de mes parents, je me suis trouvée face à une porte. Dans la maison de mes parents, il n’y a pas de porte à cet endroit. J’ai ouvert la porte en question. Il s’agissait bien des escaliers du sous-sol, et non d’un garde-robe.

J’ai reculé d’un pas, comme si j’avais peur que la poignée de la porte ne me morde. Une porte! Les caves fermées par des portes sont les pires! C’est là qu’en plus de se trouver nez à nez avec des fantômes, des tueurs, des psychopathes ou des cadavres, on se fait enfermer avec eux. Et il fallait que moi, maintenant, je descende les escaliers menant au sous-sol de la maison sanglante!

J’ai à nouveau fermé les yeux, et respiré calmement. J’étais seule, armée de chiffons et de produits nettoyants, et il fallait que je descende. Je n’avais pas le choix… Mais je pouvais au moins faire en sorte d’être certaine que la porte de la cave ne se refermerait pas derrière moi. J’ai regardé tout autour de moi, et j’ai aperçu la radio de Marie-Sophie, dans un coin de la cuisine. Je m’en suis emparée et, après quelques tentatives, j’ai réussi à m’en servir pour bloquer la porte. Armée de mes produits d’entretien, j’ai pris mon courage à deux mains, et j’ai posé mon pied bleu sur la première marche des escaliers.

Rien ne s’est passé. J’ai repéré l’interrupteur et j’ai appuyé dessus, en m’attendant à ce que la lumière du sous-sol refuse de s’allumer. La lumière s’est allumée. Jusqu’ici, tout allait bien. J’ai descendu une deuxième marche, puis une troisième, lentement, avec précaution. J’ai atteint le sol de ciment glacé, puis je me suis retournée pour faire face à ce qui m’attendait. Dans la pièce principale du sous-sol, des boîtes étaient empilées. La porte du fond, qui chez mes parents menait à une chambre froide, était fermée.

Je me suis interrogée sur la présence de toutes ces boîtes. Avaient-elles été apportées ici par les nouveaux propriétaires… ou oubliées par les anciens propriétaires? Étrangement, le sous-sol paraissait normal. Il n’était ni inquiétant ni lugubre, et je n’y ai pas vu la moindre toile d’araignée. Mais une odeur écoeurante flottait dans l’air, comme pour me prouver que malgré l’apparente propreté des lieux, mes services étaient bel et bien requis.

C’est alors que je l’ai remarquée… Sur une grosse boîte de carton qui avait été placée un peu à l’écart des autres, le mot «Cadavres» avait été écrit au feutre noir. Mon coeur s’est mis à se débattre comme s’il voulait s’enfuir, sans la coopération de mes jambes et du reste de mon corps.

Voyons… Un meurtrier n’aurait pas caché les corps de ses victimes dans une boîte de carton placée au milieu de son sous-sol. Et il n’aurait certainement pas pris le temps d’écrire «Cadavres» sur le côté de cette boîte, en grosses lettres noires bien visibles!

Mon coeur s’est calmé un peu, mais il n’était pas tout à fait rassuré. Je me suis approchée de la boîte, d’un pas prudent. N’osant pas l’ouvrir pour regarder à l’intérieur, je l’ai poussée légèrement du bout de mon pied. La boîte m’a semblé vide. J’ai osé l’ouvrir. Il n’y avait rien à l’intérieur.

J’ai jeté un coup d’oeil rapide aux autres boîtes. Une seule autre portait une inscription en lettres noires: «Père Noël». Je me suis dit que la boîte vide contenait probablement des décorations d’Halloween, des zombies, ou quelque chose comme ça.

Alors que je m’interrogeais sur le contenu possible des autres boîtes, un son strident m’a fait sursauter. J’ai d’abord cru qu’il s’agissait de la sonnerie de mon cellulaire, que j’avais laissé sur le comptoir de la cuisine.

Plutôt que de me précipiter jusqu’à l’escalier pour aller chercher mon téléphone, je suis restée immobile, incertaine. Ce n’était pas mon téléphone… C’était de la musique. La radio de Marie-Sophie! S’était-elle mise à jouer toute seule? Et les piles… elles avaient coulé!

De plus en plus terrifiée, j’ai entendu la porte se fermer subitement avec un claquement sec. La porte! J’ai couru jusqu’au bas de l’escalier, que j’ai escaladé d’un trait. Mes mains ont tourné et tiré la poignée de la porte, mes poings se sont fracassés contre elle, et j’ai crié…

Puis, je me suis tue. Le silence n’était brisé que par la musique, qui continuait à jouer comme pour témoigner d’une présence. J’étais enfermée dans le sous-sol de la maison sanglante.

Je suis redescendue, abattue et horrifiée. Si j’avais été capable de réfléchir, j’aurais peut-être réussi à trouver une explication rationnelle à ce qui venait de se passer. Mais j’étais incapable de réfléchir. J’étais enfermée dans le sous-sol de la maison sanglante, j’avais peur, et je voulais que quelqu’un vienne me chercher, me dise que tout allait bien, et m’emmène à l’extérieur. Le sous-sol n’avait pas changé, mais je le percevais maintenant d’une manière différente. L’endroit dégageait toujours une odeur terrible, mais l’air semblait maintenant transporter une sorte de menace invisible. Je suis remontée, j’ai frappé à la porte, j’ai crié, puis je suis redescendue. Je l’ai fait plusieurs fois. Puis, je me suis résignée.

Je me suis assise sur la dernière marche de l’escalier. J’ai posé les yeux sur mon pied, et il m’a semblé que la tache bleue qui le couvrait était maintenant plus large, et plus sombre. J’ai fermé les yeux pour essayer de me calmer. Quelqu’un allait bien finir par se demander où j’étais passée! Quelqu’un allait venir me chercher… Il était tout simplement impossible que je reste enfermée dans le sous-sol de la maison sanglante jusqu’à la fin de mes jours.

J’ai attendu. Puis, je me suis relevée. Je ne voulais pas rester assise là. Il fallait que j’essaie de faire quelque chose. J’ai contourné les piles de boîtes pour explorer les lieux. Les rares fenêtres du sous-sol étaient verrouillées, et il n’y avait pas de porte qui pouvait mener à l’extérieur.

Immédiatement après avoir remarqué que le silence était revenu et que la radio avait cessé de jouer, j’ai sursauté en entendant quelqu’un dire mon nom. J’ai retenu mon souffle, comme pour mieux écouter. La voix, qui ne me semblait ni féminine ni masculine, a répété mon nom. Il ne s’agissait pas d’un appel, mais plutôt d’une sorte d’affirmation, calme et posée. Je savais que j’étais seule dans le sous-sol, et j’étais presque certaine qu’il n’y avait personne à l’étage. La voix immatérielle continuait de répéter mon nom, doucement.

J’ai voulu parler, crier, la supplier de se taire, mais j’en étais incapable. Ma gorge était sèche, et ma bouche refusait de s’ouvrir. Sans savoir pourquoi, je me suis approchée de la porte de la chambre froide. Il y avait peut-être quelqu’un, ou quelque chose, de l’autre côté. Je ne voulais pas savoir ce qui pouvait se cacher dans la chambre froide, mais j’avais l’impression de ne pas avoir d’autre choix que de regarder. Mon coeur se débattait avec frénésie et mes mains tremblaient tandis que je tournais la poignée, et que j’ouvrais la porte.

Ma bouche s’est ouverte dans un long cri d’effroi. La lumière du sous-sol s’est éteinte subitement, et mon cri aussi.