Extrait du livre Vincent

Voici enfin le mois d’Octobre, le mois du début de l’automne, le mois de l’Halloween! Pour moi, cette année, c’est aussi le mois des voyages vraiment cool, mais qui coûtent cher.

Mais c’est, en plus de tout ça, le mois du lancement du 5e petit livre de ma Mini Collection, «Vincent»!

Avez-vous envie d’une petite baignade?

Quand je pense à l’histoire de ce petit livre, il me vient d’abord l’idée que c’est une histoire d’amour… Mais, en y réfléchissant bien, ce n’est pas ça du tout. C’est plutôt une histoire qui raconte le début d’une folie… Pas le genre de folie qui détruit ou qui rend dangereux, mais le genre de folie qui, d’une certaine manière, donne un sens à la vie. Une folie qui se transforme en passion.

Voici un petit extrait de ce nouveau livre:

« Vincent se sentait un peu inquiet et paniqué, mais il n’avait pas peur. Pas vraiment. Il ne s’était jamais senti en danger de toute sa vie ; d’une certaine manière, le danger était pour lui un concept difficile à comprendre. Le fait qu’il aurait pu tomber à la mer et s’y noyer, ou encore, être frappé par la foudre et mourir sur-le-champ ne lui traversa pas vraiment l’esprit. C’était le genre de choses qui arrivaient dans les histoires, ou dans les rêves, mais pas dans la vraie vie. Dans la vraie vie, il était trempé des pieds à la tête, et il s’inquiétait de l’étanchéité de son sac et de l’état dans lequel pouvait se trouver son appareil photo. Il ressentait aussi l’urgence de rentrer chez lui au plus vite, mais il n’était pas terrifié.

D’une certaine manière, il était même presque heureux de ce qui était en train de lui arriver. Il n’y a pas si longtemps, il était satisfait de vivre une vie simple et banale, mais voilà qu’il se retrouvait sur une mer furieuse, au milieu d’un orage. L’air était à la fois froid et chaud, et surtout, chargé d’électricité. Les muscles de ses bras et de ses épaules brûlaient tandis qu’il maniait les rames de son canot.

Malgré sa maladresse et sa fatigue, et malgré la mer et le vent qui s’opposaient à ses efforts, son embarcation avançait à un bon rythme, et dans la bonne direction. Il en était formidablement fier, et il espérait qu’il aurait l’occasion de raconter son aventure à quelqu’un ; n’importe qui. »

(Si vous suivez mon blogue depuis quelque temps et que vous vous posez la question: oui, c’est le même Vincent de ma petite histoire appelée «Vincent et les sirènes».)

Si vous voulez en lire plus, vous pouvez commander votre copie du livre sur mon site, ou sur Lulu.com.

Vous pouvez aussi venir me voir à la Librairie Serpent d’ébène de Victoriaville le 5 Octobre prochain, et au Salon Littéraire du Québec, toujours à Victoriaville, le 12 Octobre. Plus de détails sur la page Évènements de mon blogue!

Publicité

Un petit cadeau de Noël

Voici un petit cadeau de Noël pour tous mes lecteurs et toutes mes lectrices! Il s’agit d’une histoire courte que j’ai écrite il y a quelques mois…

Il ne s’agit pas d’une des histoires qui feront partie de mon recueil pour le projet Livrez au Suivant. J’ai écrit cette histoire pour participer à un concours littéraire… mais je n’ai rien gagné.

Ce qu’il y a de spécial avec cette histoire, c’est qu’elle concerne des personnages qui vivent dans le village que j’ai inventé pour une histoire que je vais écrire dans le futur. J’en ai déjà parlé dans mon blogue intitulé «Le robinet est ouvert». Tant qu’à écrire une histoire pour un concours, j’ai voulu explorer un peu les pensées de personnages que j’avais déjà inventés, et qui attendaient patiemment leur tour sous les projecteurs.

Le personnage principal de mon histoire future qui n’a pas encore de nom s’appelle Marianne… Mais l’histoire courte que je vous offre aujourd’hui concerne des personnages secondaires. Sans plus attendre, voici:

Vincent et les sirènes

Marie-Lisa avait les yeux rivés sur l’horloge depuis déjà au moins une demi-heure. Il n’y avait plus aucun client, et La Table de la Mer était sur le point de fermer. Antoine et Roseline étaient déjà partis, et Marianne, après un signe de la main, s’en alla elle aussi. Mais Marie-Lisa, elle, attendait Vincent.

Depuis que Vincent était arrivé à Port-d’Attaches, elle l’attendait, le cherchait, l’espérait. Elle avait eu le coup de foudre pour lui en le voyant entrer dans son restaurant pour la première fois, et elle avait immédiatement cherché à se rapprocher de lui. En quelques mois à peine, il avait bouleversé sa vie et ses habitudes. Mais Vincent, lui, attendait, cherchait et espérait des sirènes.

Marie-Lisa avait vite appris qu’il avait choisi d’emménager dans le paisible village côtier de Port-d’Attaches parce qu’il était persuadé que des sirènes avaient élu domicile tout près. Vincent était obsédé par les sirènes, et surtout, par l’idée de prouver au reste du monde qu’elles existaient réellement. Il parlait ouvertement de ses croyances et de ses trouvailles à qui voulait bien l’entendre, et semblait ne pas se soucier des moqueries qu’il suscitait au village. Vincent était un homme solitaire, doux et rêveur. La seule chose qui pouvait attirer l’attention des gens sur lui, mis à part, selon Marie-Lisa, son physique élégant et son sourire franc et honnête, était son étrange obsession pour des femmes aquatiques imaginaires, et l’enthousiasme presque enfantin avec lequel il en parlait.

Selon Beth, coiffeuse, tireuse de tarots, cliente régulière du restaurant et confidente occasionnelle de Marie-Lisa, Vincent était tombé amoureux d’une sirène qu’il avait vue dans un rêve, et il en avait perdu la tête, la cherchant inlassablement jusqu’à se convaincre lui-même de son existence. Mais Beth voyait des histoires d’amour impossible partout, sauf, semble-t-il, dans son propre avenir, ce qui l’incitait à se mêler encore davantage de celles des autres. Marie-Lisa ne croyait pas aux sirènes, et n’était pas certaine non plus de croire aux histoires d’amour impossible. Elle admirait Vincent parce qu’il était différent de tous les autres hommes du village, et également de tous les autres hommes qu’elle avait déjà rencontrés. Il osait rêver et croire en ses rêves, même s’ils étaient complètement ridicules aux yeux des autres. Et surtout, il était passionné.

Depuis qu’elle avait quitté son métier de météorologue, qui ne la comblait plus depuis quelques années, et qu’elle avait emménagé à Port-d’Attaches pour reprendre le restaurant de son oncle décédé, Marie-Lisa n’avait plus que deux passions, deux occupations. Elle gérait La Table de la Mer, le seul restaurant du village, et elle peignait des nuages. Le ciel de bord de mer était toujours magnifique, et elle n’avait jamais ressenti l’envie de peindre autre chose que des cumulus, des altocumulus et des cirrus. Elle exposait fièrement ses oeuvres sur les murs de son restaurant. Les clients les commentaient parfois en disant qu’elle avait du potentiel en tant que peintre, mais qu’elle le gaspillait en peignant un sujet aussi répétitif et ordinaire. Après tout, s’ils voulaient voir des nuages, ils n’avaient qu’à regarder par les fenêtres qui perçaient les murs entre deux de ses toiles… Mais Marie-Lisa, tout comme Vincent, ne se préoccupait pas de l’opinion des autres. Et puis, se disait-elle, si elle n’avait que deux passions dans sa vie, elle en avait, en fin de compte, deux de plus que la plupart des habitants de Port-d’Attaches. Malgré tout, elle était un peu lasse de sa routine quotidienne, et elle était reconnaissante de la présence de Vincent dans sa vie. Celui-ci venait régulièrement manger au restaurant, et lorsqu’elle n’était pas trop occupée, Marie-Lisa venait discuter avec lui des signes qu’il avait trouvés sur une plage, ou sur un rocher à demi submergé. Elle rêvait depuis longtemps d’avoir le privilège de partir à la chasse aux sirènes avec lui… Ce soir, elle allait enfin avoir cette chance!

L’aiguille des secondes fit un tour de plus sur l’horloge, et Vincent entra, exactement à l’heure où il avait dit à Marie-Lisa qu’il viendrait la chercher. Il lui sourit, et s’approcha d’elle d’un pas lent. Il avait revêtu un veston gris léger par-dessus sa chemise blanche, et il portait des pantalons noirs. Si ce n’était du gros sac en cuir brun qu’il portait en bandoulière, il aurait ressemblé à un homme d’affaires se préparant pour une réunion plutôt qu’à un aventurier. Car c’était ainsi que Marie-Lisa envisageait sa soirée: une aventure, une expédition amusante avec l’homme qui la fascinait, mais qui, lui, n’avait de fascination que pour les sirènes.

– Tu es prête? lui demanda-t-il en guise de salutation.

– Je suis prête! Qu’as-tu mis là-dedans?

Vincent sourit de nouveau, puis baissa les yeux sur son sac.

– Mon appareil photo, mes carnets de notes, et quelques petites choses. C’est la première fois que quelqu’un vient avec moi! Nous allons nous éloigner de la falaise du phare en longeant la côte, et retourner sur une plage où j’ai déjà trouvé deux colliers faits par une sirène. Ça te va?

– C’est parfait! approuva Marie-Lisa avec un hochement de tête enthousiaste.

Le sac était d’une bonne taille, et il semblait lourd. Marie-Lisa s’attendait à ce qu’il contienne au moins une collation, mais puisque ce n’était pas le cas, elle se contenterait de souper chez elle au retour de l’expédition. Vincent lui avait déjà montré quelques-uns de ses carnets de notes, mais elle supposait qu’il en avait beaucoup plus, et qu’il avait dû tous les placer dans son sac pour une raison connue de lui seul.

Ils sortirent du restaurant et se dirigèrent vers le bord de l’eau, là où les attendait le canot pneumatique de Vincent. Comme elle le faisait chaque soir en sortant du travail, Marie-Lisa leva les yeux sur le ciel. La formation de cirrostratus qu’elle avait observée ce matin s’était déployée et voilait un magnifique coucher de soleil teinté de rose et d’orangé. Ces nuages n’annonçaient pas de précipitations, mais indiquaient que le temps allait bientôt changer. Marie-Lisa ne s’y attarda pas plus longtemps.

Elle avait souvent vu Vincent longer la côte dans son canot gonflable, mais c’était la première fois qu’elle s’approchait d’aussi près de la frêle embarcation. Vincent lui indiqua où s’asseoir, puis s’installa à son tour, et éloigna le canot de la plage à l’aide de ses rames. Elle lui avait déjà demandé pour quelle raison son embarcation n’était pas munie d’un moteur, et il avait répondu que les sirènes étaient effrayées par leur bruit et que, bien sûr, elles n’approuvaient pas la pollution de leur habitat. Il se mit donc à ramer en direction de la falaise, tandis que sa passagère jubilait.

Afin d’engager la conversation, elle lui demanda à quoi ressemblaient les deux colliers qu’il avait trouvés. Il lui répondit avec enthousiasme qu’ils avaient été fabriqués avec de jolis petits coquillages fins, et qu’il n’en avait jamais vus de semblables sur aucune plage des environs. Pour Marie-Lisa, cela signifiait que les colliers avaient forcément été achetés ailleurs qu’à Port-d’Attaches, et que leur propriétaire les avait perdus lors d’une baignade. Pour Vincent, il s’agissait d’une preuve que les bijoux avaient été confectionnés par une sirène qui avait trouvé ces petits coquillages loin d’ici, dans une magnifique grotte sous-marine, peut-être. Malgré leurs différences d’opinions, ils continuèrent à discuter, des sirènes, surtout, mais aussi de différents sujets. Lorsqu’ils dépassèrent la falaise, Marie-Lisa leva la tête et reconnut la silhouette de Marianne assise près du phare. La jeune fille solitaire s’y rendait souvent en sortant du restaurant, et admirait la mer pendant des heures. Marie-Lisa lui envoya un signe de la main, et Marianne fit de même.

Leur expédition se poursuivit sans aucun problème, jusqu’à ce que le vent se lève. Vincent dut alors se mettre à lutter contre des vagues de plus en plus féroces qui tentaient de les entraîner vers le large. Marie-Lisa lui proposa de l’aider à ramer, mais l’embarcation n’avait que deux rames, et Vincent insista pour en garder le contrôle.

– Je suis navré, Marie-Lisa, dit-il enfin d’un ton embarrassé, mais d’une voix assez forte pour ne pas se faire couvrir par le bruit du vent. Je ne pensais pas que le temps tournerait comme ça! Préfères-tu que j’essaie de te ramener au village?

– C’est ridicule! s’opposa Marie-Lisa. La plage là-bas, c’est là qu’on va?

– Oui, approuva Vincent.

– On y est presque! Je n’ai pas peur des vagues… Je veux bien t’aider à ramer, mais je ne veux pas rentrer tout de suite!

Pour toute réponse, Vincent lui sourit, puis continua à ramer avec ardeur. Malgré ses efforts, les vagues les entraînèrent de plus en plus loin de leur destination, et de plus en plus près d’un groupe de rochers qui laissaient entrevoir leur têtes noires. Le canot pneumatique semblait de plus en plus instable. Marie-Lisa s’accrochait aux rebords de l’embarcation tandis que le vent sifflait avec obstination. Puis, une vague gigantesque projeta le canot contre un des rochers immergés. Le canot se plia, Marie-Lisa perdit l’équilibre et, avant même qu’elle réalise ce qui était en train de se passer, elle se retrouva aspirée par les eaux agitées pendant que Vincent hurlait de surprise et d’effroi.

C’est alors que, telle une divinité en colère apaisée par le sacrifice offert par ses fidèles, la mer se calma. Le vent se tut, et les vagues retrouvèrent leur attitude docile. La tête de Marie-Lisa émergea de l’eau, et elle ramena ses cheveux en arrière d’une main. Sans attendre, Vincent se pencha dans le but d’agripper son bras et de la ramener à bord. Elle le repoussa doucement avec un sourire radieux.

– Je suis déjà trempée, Vincent! dit-elle en posant plutôt ses mains sur le rebord du canot. L’eau n’est pas froide, et je sais nager… Laisse-moi apprécier la baignade!

Vincent, stupéfait, ne répondit pas.

– Profitons de l’accalmie pour rejoindre la plage, proposa Marie-Lisa.

Vincent n’arrivait toujours pas à parler. Elle se dirigea à la proue du canot, agrippa la corde qui y était attachée, et entreprit de nager en tirant l’embarcation derrière elle. Vincent comprit, et se remit à ramer, sans détourner son regard d’elle. Ils atteignirent rapidement la plage, juste avant que le vent ne se fasse entendre à nouveau.

Marie-Lisa s’assit sur le sable rocailleux afin de reprendre son souffle. Elle enleva ses chaussures, puis essora ses longs cheveux bruns.

– Je suis tellement désolé! lui dit Vincent, confus. Tu… Tu vas bien?

Elle lui sourit, puis enleva la chemise qu’elle portait par-dessus sa camisole verte.

– Je vais bien, Vincent! Je ne suis pas blessée… Je suis simplement mouillée! Tu n’as pas à être désolé, c’était un accident… Je t’assure que je vais bien!

Vincent s’approcha, et s’assit près d’elle.

– Laisse-moi un moment pour me reposer et essayer de me sécher un peu, lui dit-elle, et ensuite nous pourrons marcher et chercher des signes!

Vincent garda silence. Il la regarda comme s’il la voyait pour la toute première fois. Marie-Lisa essora sa chemise, puis son regard croisa celui de Vincent. Elle s’immobilisa. Un moment passa.

– Nous pouvons marcher un peu ensemble sur la plage, dit enfin Vincent, mais je crois que nous n’y trouverons rien d’intéressant… J’ai déjà toutes les preuves qu’il me fallait que les sirènes existent.

L’aiguille des secondes fit un tour de plus sur l’horloge, et Vincent entra dans le restaurant avec seulement deux minutes de retard. Marie-Lisa poussa un soupir, et sortit de ses rêveries.